Violette – biopic – Emmanuelle Devos et Sandrine Kiberlain
Comment aborder la littérature, et plus particulièrement brosser le portrait de l’écrivain, au cinéma ? La question est complexe, car le septième art ayant souvent adapté l’autre, en étant encore plus souvent accusé de le dénaturer et de ne pas pouvoir s’y mesurer, la figure de l’auteur-e occupe forcément une place à part dans toute tentative de biopic cinégénique.
Alors quand l’auteur-e en question n’est autre que Simone de Beauvoir, celle qui révolutionna complètement la société en publiant Le Deuxième Sexe, dénonçant ainsi l’injustice de la condition des femmes, livrant un texte fondateur pour les féministes des siècles à venir ; l’enjeu est d’autant plus vertigineux.
Toutefois, ce qui intéresse Martin Provost, réalisateur de l’unanimement salué Séraphine, ce n’est pas « Castor », mais sa protégée et amie, Violette Leduc, qui choqua les bonnes mœurs en étant l’une des premières à écrire ouvertement sa bisexualité et son avortement. Ou plutôt la relation entre les deux, faite d’admiration, de désir, et surtout d’énormément de foi en la littérature. Martin Provost confie pour ce faire les deux rôles principaux à Emmanuelle Devos, bâtarde révoltée à vif ; et à Sandrine Kiberlain, icône malgré elle, sèche et déterminée à la fois. Mais surtout, justement, Martin Provost brosse le portrait de ses deux héroïnes, celle qui marquera les siècles, et celle qui, mal aimée de son vivant, sera injustement oubliée. Un peu comme s’il avait du mal à sortir de son film précédent, portrait d’une femme peintre, forcément visuel. Et par conséquent, au lieu d’en faire des forces agissantes, sa caméra contemple ses personnages en se réfugiant dans leur environnement quotidien (le café de Flore, la chambre de bonne minuscule de Violette, l’appartement luxueux de Simone de Beauvoir) sans jamais vraiment les approcher.
Martin Provost fait entendre les voix, mais échoue à faire vivre les mots. Violette Leduc, Simone de Beauvoir, et quelques autres illustres êtres de plume dans les marges, pensent, discutent, imaginent la littérature mais ne l’écrivent pas à l’écran. Comme si, effrayé par la stature des beaux esprits qu’il filme, le réalisateur s’avouait impuissant à les faire exister par des moyens proprement cinématographiques.
« La laideur chez une femme est un péché mortel. Vous êtes belle, vous êtes celle qu’on regarde dans la rue pour sa beauté. Vous êtes laide, vous êtes celle qu’on regarde dans la rue pour sa laideur » ; déclare ainsi la voix amère d’Emmanuelle Devos en ouverture du film. Mais ces mots polémiques, auxquels elle tente de prêter corps de par une interprétation toute en intensité, peinent à s’incarner du fait d’une mise en scène plate, trop classique, appesantie par trop de bonne volonté dans la reconstitution ; trop de dévotion vis-à-vis de ceux qu’elle veut montrer.
Ce qui ferait sans doute un très beau téléfilm donne sur grand écran un biopic longuet et ennuyeux, trop révérencieux, inadapté à un contenu révolutionnaire. Il faut quand même, pour être juste, lui reconnaître un mérite considérable : celui de donner envie de redécouvrir l’auteure Violette Leduc, car chaque fois qu’une de ses phrases vient réveiller ce film et le tirer de sa solennité, c’est une explosion, tant dans la musique de ses phrases que dans leurs propos ; et c’est dans ces moments que l’on comprend avec une violence inouïe la passion que Simone de Beauvoir voua au talent de l’indomptable « Bâtarde ».
Raphaëlle Chargois
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Violette
De Martin Provost
Avec Emmanuelle Devos, Sandrine Kiberlain, Olivier Gourmet, Catherine Hiegel, Jacques Bonnaffé, Olivier Py, Nathalie Richard et Stanley Weber.
Durée : 139 min.
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