Un prophète – film de Jacques Audiard
Un prophète, c’est le destin de Malik El Djebena, jeune homme qui au sortir de l’adolescence quitte la prison pour mineur et intègre celle de La Centrale. Sans attaches et sans famille, illettré, il découvre un univers carcéral aux mains des prisonniers corses. Lui et ses codétenus subissent la mainmise de César Luciani, parrain des temps modernes interprété Niels Arestrup, celui-là même qui va le contraindre à la criminalité.
Jacques Audiard plonge littéralement dans l’univers sombre et cruel des prisons avec un regard réaliste et puissant. A des années lumière du sensationnalisme et du film-documentaire, il se penche sur ce monde labyrinthique où coexistent des communautés, des individus et des psychologies aussi multiples que complexes. La caméra avec ses plans étroits provoque une sensation d’enfermement saisissante et s’immisce dans ce monde parallèle de l’incarcération. La mafia, les barbus, les rapports avec l’extérieur, on découvre une organisation sociétale à la fois marginale et au cœur d’une réalité brutale et meurtrière.
A l’image de ce billet de cinquante francs dans ses mains à son entrée en prison devenu liasse de cinquante euro ensuite, Malik va traverser six ans de détention et devenir un homme. D’abord victime manipulée, « larbin » au service de la corruption des uns et ennemi des autres, il provoque malgré tout son ascension. Le petit taulard s’émancipe, comprend les ficelles, déjoue et anticipe tout un système pour devenir ce héros moderne et désillusionné. Il est un anti-Scarface, un Tony Montana intelligent et sensible qui aurait préféré la vie à la mort et à la résignation.
La modernité de l’écriture, le travail de photographie remarquable et le rythme prenant ponctué de passages oniriques se développent au fil du film avec retenue et sens des détails pour faire de Un prophète une oeuvre d’un genre unique qui consacre définitivement le réalisateur de Sur mes lèvres et De battre mon cœur s’est arrêté au rang des grands réalisateurs.
Un prophète met certes en scène la noirceur de l’âme humaine, mais Jacques Audiard parvient à y intégrer des valeurs humanistes et de tolérance véhiculées par de grands rôles de cinéma. Le casting est éblouissant à tous points de vue, des rôles principaux aux rôles secondaires et à ceux plus discrets des prisonniers de La Centrale.
Cassandre Bournat
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Un Prophète
De Jacques Audiard
Avec Tahar Rahim, Niels Arestrup, Adel Bencherif, Hichem Yacoubi, Reda Kateb, Jean-Philippe Ricci et Slimane Dazi
Sortie le 26 août 2009
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