Un jour – film de Lone Scherfig
On dit parfois que « sur un malentendu, ça peut marcher ». Et, formule toute faite ou non, c’est exactement ce qui se produit pour Emma et Derek. Le 15 juillet 1988, un peu ivres au sortir de leur fête de fin de diplôme, ils se retrouvent à tenir la chandelle pendant que deux de leurs amis de fac échangent des baisers fougueux. Ils décident alors de rentrer ensemble. Mais Emma est trop stressée et Derek trop désinvolte. De ce fait, ils finissent par s’endormir dans les bras l’un de l’autre en se jurant de plutôt rester amis.
Contre toute attente, ils tiennent leur promesse, et c’est au récit d’un peu plus de vingt ans d’amitié et d’amour inexprimé qu’on assiste alors. On les suit à chaque anniversaire de leur rencontre, évoluant au rythme de leurs ratages, de leurs retrouvailles, des petites absurdités qui les rassemblent ou les séparent.
On aurait pu redouter une sorte de pâle ersatz de Quand Harry rencontre Sally, tant le genre de la comédie romantique est désormais balisé. Mais ce qui fait le charme d’Un jour, c’est de n’évoquer les traditionnels clichés – si ce n’est la vision typiquement américano-idéalisée de Paris comme ville toute d’art, de jazz et de volupté – que pour mieux les contourner, voire les détourner. Un jour, c’est l’histoire d’un amour qui se construit de maladresse en maladresse, une série d’occasions manquées où les personnages se perdent, se retrouvent, se reperdent, se croisent, se fuient, sans que jamais ni eux ni le spectateur ne puissent s’en lasser. Ainsi, Emma et Derek parviennent même à gâcher le moment de leur déclaration d’amour mutuel au cours d’une délectable scène de bain de minuit, qui, au lieu de connaître une issue torride, s’achève en course-poursuite grotesque.
Loin du stéréotype édulcoré du coup de foudre qui transforme la vie des deux personnages en conte de fées, ce film adapté par David Nicholls de son propre roman à succès, montre comment Emma et Dexter ratent parfois leur vie à force de se rater eux-mêmes, péchant l’une par manque de confiance en elle et l’autre par excès d’ambition. Pourtant, le film parvient à préserver la légèreté de la comédie, même dans les moments où les deux héros l’abandonnent eux-mêmes.
Si Un Jour évite si bien les écueils inhérents au genre, c’est aussi indéniablement grâce à Anne Hathaway, qui construit tout en simplicité un personnage pétillant, irrésistible de drôlerie et de charisme. Le spectateur s’attache immédiatement à ce couple qui n’arrive pas à se former, et se laisse ravir par cette comédie douce-amère rafraîchissante parce qu’elle ne cherche pas à affirmer que ses deux protagonistes sont faits l’un pour l’autre. Ici l’amour ne suffit pas à vaincre toutes les difficultés. Tout n’est pas lisse. Le cancer et la mort surviennent aussi, troublant les histoires les plus parfaites. Mais entre amour et amitié, Emma et Dexter s’épanouissent au fil du temps, en tant qu’individus et non pas seulement dans le couple. Or, il faut bien l’avouer, cette façon d’éviter la niaiserie moralisante s’avère, pour une fois, particulièrement appréciable.
Raphaëlle Chargois
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Un jour
De Lone Scherfig
Avec Anne Hathaway et Jim Sturgess
Sortie le 24 août 2011
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