« Un conte finlandais » de Mika Kaurismaki
Intrus
Pendant près d’une heure et demie, les trois comparses vont échanger, partager leurs déceptions, leurs angoisses, leurs faiblesses et discourir sur la dureté de la vie. A coup de gros plan – la main, le pied, le visage, le verre – le réalisateur donne vie à ces blessures et cherche à appuyer le mal être de ses personnages. Les échanges sont parfois houleux, les coups d’œil réprobateurs et le ton accusateur : la nuit de noël n’a de cérémonial que la neige. Et c’est dans ce bar-karaoké que se situe l’essentiel de l’action, huis clos sombre et sordide, à l’image de nos héros déchus. Bar pour oublier, karaoké pour s’affirmer : le chant remplace les mots, la musique symbolise l’errance. A travers l’œil de sa caméra, Mika Kaurismaki donne l’impression au spectateur d’être un étranger venu s’immiscer dans la vie de ces trois inconnus. Cette distance, cette froideur donne une dimension documentaire déplaisante et accentue la teneur faussement dramatique de ce long métrage.
Femme (ille), je te hais
Point d’orgue de la déception de chacun, la famille est mise au banc des accusés : le fils ingrat, la femme infidèle, la mère surprotectrice… L’intrigue puise sa force dans ces retords familiaux, que l’on aurait souhaité moins caricaturaux. A notre grand dam, Rauno, Matti et Erkki, ont des parcours similaires : mal d’amour, mal de liberté, mal de vivre. Le réalisateur confie que Noël est la plus importante des réunions familiales en Finlande, pourtant, il ne lui rend vraiment pas hommage. A son tour, l’image de la femme est discrètement écorchée : L’épouse de Matti fait office de figuration et nourrit la colère de son époux sans pour autant tenir une vraie place dans le film. La femme du bar quant à elle, est attendue comme l’élément déclencheur du film. Perdue, désorientée et lascive, on espérait qu’elle donnerait du rythme au film. En vérité, son rôle est très mal défini. Si, à son contact, les personnages se révèlent, les non-dits sont confessés, l’apogée dramatique n’est quant à elle jamais atteinte et la pression tant attendue n’est pas au rendez-vous.
Caricature
Prédominant, ce sentiment d’abandon, d’isolement, est le ciment du film. Trois amis, murés dans l’agitation de leur passé, le subconscient de leurs souvenirs, se retrouvent face à eux-mêmes le soir de noël et fêtent, tels les Rois mages, la naissance de cet enfant tant attendu. Sous couvert de ce noble sentiment qu’est la solitude, le metteur en scène attend peut être un peu trop d’empathie de la part du spectateur, qui a bien du mal à s’identifier. Malgré un jeu d’acteurs exemplaire, le thème de l’amitié, pourtant salutaire, est englouti par le pathos des personnages.
Les règlements de compte à la veille de Noël, voilà un sujet puissamment exploité sur grand écran. Pourtant, certains sont plus indigestes que d’autres. C’est le cas de ce Conte finlandais, qui, par son intrigue faussement dramatique, tombe dans la caricature du drame familial. De ce conte pour adultes, on attendait plus de nuances, plus d’émotions, plus de magie, à l’image d’un vrai « Conte de noël ».
Mathilde Degorce
Sortie le 23 décembre
Réalisé par Maki Kaurismaki
Kari Heiskanen, Pertti Sveholm, Timo Torikka, Irina Björklund, Tommi Eronen, Elena Spirina, Pirkko Hämäläinen, Riitta Havukainen, Aake Kalliala, Peter Franzen
Durée : 1h37
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