Tout Tati en « deux temps, trois mouvements » à la Cinémathèque Française
Tati n’a pas pris une ride. C’est une qualité que l’on peut attribuer à tous les visionnaires. Inspiré d’un autre temps, l’univers burlesque du réalisateur est de retour à la Cinémathèque Française. Le choix du lieu de l’exposition parait être une évidence.
Un long couloir de «monotonie de la modernité» nous amène aux seuls 650m² dévolus au monde de Tati. Deux salles proposent toutes sortes de documents originaux: scénarios, carnets «de gags et d’idées» ou autres lettres. On (re)découvre des objets loufoques comme la colonne antique-poubelle du Strand, ou l’art d’associer la ruine et le déchet. Une maquette de la villa Arpel du film Mon Oncle côtoie des portraits de Jacques Tati et des dessins de ses amis Sempé et Steinberg. Grace aux bruits d’échos et d’assonances on navigue avec douceur dans cet univers décalé.
Avec Tati on se surprend à l’autodérision. Car cette modernité, qui nous est certes imposé, reste la notre.
« Hulot, c’est un peu moi, mais c’est aussi un peu de vous tous. Chacun a sa demi-heure de hulotisme par jour » peut on lire à la lisière de la première salle. Vaste terrain de jeu, ce futur improbable est un pilier fondamental du «tatisme». Dans un monde pittoresque ou le rapport de la société à l’espace interroge, les individus des films de Tati semblent tous singuliers face à l’inexorable transformation de la vie matérielle. Mais l’Homme a tout de même changé lui aussi. Et ce grand enfant de Tati s’en est octroyé avec joie l’évolution.
Cet hommage a tout de même tardé. Il faut dire que la courte filmographie de Jacques Tati n’a que trop peu été célébrée en France. Pourtant le réalisateur est largement reconnu à sa juste valeur à l’étranger, preuve qu’il fait figure d’artiste primordial au niveau international. Malheureusement, son avant-dernier film, « Playtime » (1968), est un échec financier. Il perd alors tous les droits de ses œuvres, raison pour laquelle il n’est pas plus connu et distribué. Commissaire de l’exposition, Macha Makeïeff, souhaite laver cet affront: « Une expo telle que celle à la Cinémathèque est vraiment faite pour élargir les points de vue, et les public, venez-y! »
Seule déception: l’expo ne donne pas à entendre les musiques des films. Une bonne raison pour aller voir The Tati’s Concert qui, en présence de Mathieu Chedid, reprend les bandes sonores des œuvres du réalisateur. Et pour les amateurs de ce grand bonhomme, la reconstitution de la villa Arpel est à voir au 104.
Baptiste Crochet
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