Retour sur le film de Mai Masri – 3000 Nuits
3000 Nuits est un film engagé traitant du conflit israélo-palestinien qui perdure depuis des décennies. Un sujet complexe qui suscite de nombreux débats et de nombreuses œuvres, abordant tous les aspects de cette tragédie. Mai Masri, réalisatrice palestinienne, a voulu s’impliquer à son tour à travers la réalisation de 3000 Nuits, qui dénonce les injustices présentes dans les prisons israéliennes.
La révolte gronde dans une prison israélienne où sont détenues des prisonnières politiques palestiniennes. Layal, une jeune institutrice de Naplouse vient d’arriver, condamnée à 8 ans de prison pour un attentat dans lequel elle n’est pas impliquée… Elle découvre alors qu’elle est enceinte.
La douceur dans la violence
Nous sommes confrontés ici à une œuvre qui propose un contraste flagrant : d’une part la douceur, l’enfant mis au monde en prison, synonyme d’innocence et de pureté, là ou toutes les âmes dures arrivent à s’adoucir devant ce petit être. D’autre part, la dureté du milieu carcéral, qui plus est injuste et discriminant à l’égard des détenues palestiniennes. Les différences de libertés des deux parties incarcérées sont données à voir ici : les palestiniennes sont vêtues d’uniformes alors que les israéliennes sont habillées en tenues de civiles. La directrice et le personnel carcéral sont israéliens et harcèlent les palestiniennes tout au long du film. 3000 Nuits est particulièrement touchant dans son aspect à la fois froid et chaleureux. En effet, malgré toutes ces injustices, on observe une solidarité qui naît entre les deux camps. C’est aussi cela qu’a souhaité montrer la réalisatrice : lorsqu’une amitié se forme entre une détenue palestinienne et israélienne par exemple, ou encore lorsqu’une avocate israélienne défend les droits d’une détenue palestinienne. Ce film soulève la question de l’humanité qui peut se cacher dans chaque camp. Des israéliens se battent et reconnaissent les conditions injustifiées des détenus palestiniens.
Un film engagé
L’espoir et le courage sont deux thèmes majeurs de 3000 Nuits : l’espoir que donne un enfant, l’espoir de la fin de l’occupation, le courage de continuer le combat malgré les tragédies auxquelles les personnages sont confrontés, le courage d’accoucher et d’élever son enfant dans un milieu comme celui-ci… Dans ce film, le massacre des camps de réfugiés Sabra et Chatila (du 16 au 18 septembre 1982) ont donné aux détenues palestiniennes le courage de mener une grève et de se battre contre toutes les atrocités qu’elles et leurs proches subissent de la part de ceux qui les détiennent en captivité. Un dilemme important s’impose alors à Layal : continuer la grève pour lutter contre toutes ces violences et se montrer loyal envers les siens ou rester avec son enfant, en restant soumise aux israéliens.
Des plans marquants
La mise en scène nous plonge quant à elle dans un environnement obscur et très sombre, avec des jeux d’ombres qui captent notre attention, donnant à la misère et au malheur un caractère beau et esthétique. On pense notamment à la scène de la mère et de son petit garçon, à 1h06 du film, qui en appelle à la sensibilité du spectateur. Lorsqu’elle joue avec l’oiseau en le faisant voler et en montrant à son fils le ciel avec les vrais oiseaux à travers les barreaux, cela renvoie à une image à la fois de liberté interdite et espérée pour elle et son enfant, qui n’a pas encore connu ce plaisir banal mais gigantesque, et à l’image du rêve. Le gros plan sur l’œil de la protagoniste au début du film (19ème minute) est également un plan très marquant. On y perçoit la tristesse et tout ce qu’endure le personnage principal, la haine face à ces injustices et le désespoir qui en découle. Ce gros plan sur l’œil est très net comparé au reste du film.
On retrouve dans 3000 Nuits, le thème de la guerre abordé à travers le spectre de la vie carcérale. C’est un film portant un message fort, qui mériterait d’être davantage visionné tant pour le sujet abordé que pour la subtilité du scénario et de la mise en scène, qui en font une véritable œuvre d’art.
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