Rencontre avec Brice Zephir, jeune réalisateur passionné et ambitieux
A 28 ans, Brice Zephir est un jeune auteur réalisateur qui souhaite par dessus tout raconter des histoires. Attiré depuis sa plus tendre enfance par le 7e art, passer à la réalisation a toujours été un désir intime. Il puise son inspiration dans sa vie personnelle et ses principales influences sont issues du cinéma indien, qui le fascine. Aujourd’hui à la tête de trois courts métrages, Brice Zéphir se confie sur son travail de réalisateur, ses difficultés mais surtout sur sa passion pour le cinéma.
Peux-tu nous raconter ton parcours ?
J’ai choisi une option cinéma dès le lycée puis j’ai effectué une licence Arts du spectacle et Audiovisuel. Pendant les trois ans de ma licence, je n’avais qu’une idée en tête, rejoindre la Sorbonne-Nouvelle pour le master, ce que j’ai fais. Je voulais travailler sur un mémoire spécifique, autour du cinéma indien. Un thème qui n’avait pas été abordé comme sujet de mémoire depuis longtemps à la Sorbonne. J’ai rencontré Térésa Faucon, directrice de recherche et professeure de cinéma, spécialiste entre autres du cinéma asiatique. C’est elle qui m’a dirigé et conseillé pour mon mémoire que j’ai réalisé en deux ans et demi. Mes deux années de master ont été consacrées au mémoire et à multiplier les expériences professionnelles pour me démarquer face à de nombreux profils, ce qui a payé car j’ai directement enchaîné sans connaître de temps mort.
Comment se passe le début de carrière d’un jeune réalisateur, peux-tu vivre de ta passion ?
Non je n’en vis pas, très loin de ça ! Je reçois des prix dans les festivals, mais c’est très minime.
J’ai d’abord travaillé chez Red Bee Media en tant que coordinateur de production où j’accompagnais les responsables de production dans l’organisation des tournages et la planification des ressources humaines. Récemment, j’ai intégré le groupe Canal où je suis toujours dans la coordination des ressources humaines et des plannings.
D’où vient ta passion pour le cinéma ?
Déjà très jeune, vers l’âge de trois, quatre ans, je savais que je voulais faire du cinéma. Je disais à mes parents qu’ils verraient un de mes films sur grand écran. J’inventais des histoires avant même de savoir lire ou écrire. Mes premiers souvenirs d’enfance ce sont les histoires d’amour que j’inventais où je mélangeais des acteurs indiens et des acteurs américains.
On m’a souvent pris pour un rêveur, jusqu’au collège où mes parents ont vraiment pris mes ambitions au sérieux.
En 2022, tu réalises ton premier court-métrage, Et toi les amours ?, en co-réalisation, quelle est l’origine du projet ?
J’ai été en couple pendant deux ans avec une fille, de mes 18 à 20 ans et ça été la source d’inspiration pour cette histoire. J’avais l’impression d’être David et elle, Marène, deux personnages qui ont une vision complètement différente de l’amour. J’ai voulu en faire une balade romantique à la Woody Allen, une influence importante pour moi. C’est d’ailleurs ce qui a plu dans le film, ce moment où David et Marène s’échappent et discutent de tout et de rien.
Et puis il y a la fin, où j’incorpore une autre histoire. J’ai perdu un ami de Reims qui est mort roué de coups, ça c’est passé exactement comme je l’ai mis en scène dans le film. J’avais écrit une histoire parallèle à David et Marène où je lui rendais un peu hommage, mais j’ai préféré incorporer une petite partie de cette histoire-là dans Et toi les amours ?
Dans tes courts-métrages, mais surtout dans Et toi les amours ?, l’amour et la complexité des relations reviennent souvent, est-ce que c’est quelque chose qui te touche particulièrement, pourquoi cette thématique ?
Complètement, depuis petit je suis beaucoup dans l’observation et j’arrive à ressentir les émotions des gens à tel point que ça m’envahit parfois. Les rapports compliqués entre deux êtres humains, ça m’intéresse et j’aime beaucoup analyser : qu’est-ce qui ne fonctionne pas ? pourquoi ça ne marche pas ? En effet, c’est quelque chose qui m’interroge pas mal.
Mes prochains projets reprennent aussi ces thèmes, j’ai déjà traité l’amour et là j’ai envie de mettre en scène les relations familiales.
Pour avoir un ordre d’idée, combien de temps s’est écoulé entre l’écriture du scénario et la sortie de Renaissance ?
Deux mois pour Renaissance. C’est un peu particulier car on m’a donné un objectif. J’ai rencontré l’organisateur du Kino Paris, une association qui propose un défi à réaliser : faire un court métrage en deux mois. Ils t’apportent aussi de l’aide, que ce soit des chefs-opérateurs, ingénieurs son, comédiens et ils te garantissent une projection de ton court métrage en salle.
Pour Et toi les amours ? j’ai mis six ans, de l’écriture du scénario à la finalisation du court métrage.
Comment est-ce que tu finances tes projets ?
J’autofinance mes projets, pour l’instant avec mon salaire que je mets de côté. Il faut compter environ 2 000€ pour l’ensemble du projet. Je préfère être entouré de professionnels, surtout pour la caméra et le son.
Dans Renaissance tu abordes la thématique du trafic d’enfant, pourquoi ?
Ca part d’un article dans Le Figaro (Ils vendaient des bébés à des couples en mal d’enfant (lefigaro.fr)) qui traitait de ce sujet et d’un film Le sixième enfant de Léopold Legrand qui m’ont interrogé. D’autant plus que la relation parent/enfant est assez importante pour moi. Les personnages du court métrage sont aussi inspirés de vraies personnes de ma famille. J’ai donc mixé des histoires vraies à des articles que j’avais lus pour avoir plus d’impact.
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans la réalisation ?
J’ai toujours voulu raconter des histoires. Lorsqu’on est assistant réalisateur ou qu’on a un autre rôle sur le set on ne peut pas raconter d’histoire, tu es obligé de suivre la direction du réalisateur. Moi j’ai plein d’idée de films et je veux que les gens voient ces histoires inédites.
J’ai un côté fédérateur, j’aime rassembler les gens quel que soit l’événement. Et ce côté fédérateur est un point commun de tous les réalisateurs. Il faut faire en sorte que tout le monde veuille bosser pour toi parce que le projet les intéresse.
Quelles sont les difficultés que tu as pu rencontrer sur la réalisation d’un projet ?
La plus grande difficulté reste le temps surtout quand tu finances toi-même tes projets. Pour ne pas m’endetter je limite les journées de tournage, j’enchaîne rapidement les plans. Donc le plus compliqué c’est ça, gérer le temps et la fatigue que ça engendre.
Les répétitions techniques sont aussi complexes, réunir tous les techniciens demande pas mal d’organisation et encore une fois de l’argent.
Comment tu envisages la direction d’acteur, sur la manière de jouer et sur le texte ? Est-ce que tu laisses les acteurs libres de proposer des choses ou tu préfères rester fidèle au scénario ?
Ce qui est important dans la direction d’acteur, c’est de beaucoup travailler avec les acteurs, faire beaucoup de répétitions. Je fais toujours une première rencontre avec les acteurs où je ne parle pas du tout du scénario, ni des dialogues, où on apprend à se connaître davantage, sous la forme d’une conversation où on aborde les thématiques du projet. Ca permet ensuite de trouver des liens avec les personnages du film et je me sers de ces conversations pour les aiguiller sur le tournage.
Je m’inspire beaucoup d’Abdellatif Kechiche et de Cédric Klapish pour la direction d’acteur.
Si tu devais citer quelques références de cinéma qui t’inspires dans ton travail, quelles seraient-elles ?
Slumdog Millionaire de Danny Boyle est pour moi l’exemple du film parfait que ce soit au niveau du montage, de la direction d’acteur, de l’étalonnage, de l’image… je ne lui trouve aucun défaut. Tout est hyper bien construit et c’est vraiment un chef d’œuvre pour moi.
Il y a d’autres films beaucoup plus “madeleine de Proust” comme Malcom X de Spike Lee, c’est un personnage qui m’a beaucoup intéressé quand j’étais petit par son côté révolutionnaire, la défense des minorités, la conversion à une religion qu’il ne connaissait pas…
Will Hunting de Gus Van Sant, que je peux regarder tous les jours et qui me donne toujours la même énergie. Ce film t’apprend que même si tu as tout pour toi, l’intellect, le savoir, la facilité, si tu n’as pas une quête du bonheur et quelqu’un qui te rend heureux, il te manque quelque chose.
Mon réalisateur préféré c’est Aditya Chopra qui est indien, j’aime beaucoup Kéchiche et Woody Allen.
Un conseil que tu pourrais donner à des jeunes désireux de faire du cinéma ?
De le faire, de créer, d’écrire, de réaliser, de s’inscrire au théâtre, à un cours de metteur en scène, à des stages, à des accréditations pour les festivals. Je conseillerais de s’inscrire sur cineaste.org, un site qui permet de recevoir des annonces si tu veux être comédien, assistant réal… et ça permet de mettre un pied dans le cinéma. Faire de la figuration permet aussi de se familiariser avec le plateau de tournage.
Des projets à venir ?
J’ai un court-métrage en pré-production, Le dernier repas de famille, sur un père malade qui annonce à sa famille qu’il souhaite se faire euthanasier.
Et j’ai un long métrage, Safar, qui signifie voyage en Hindi, en développement, je ne sais pas encore quand il sortira. Il traite d’une romance entre un français et une indienne que tout oppose par leurs cultures.
Propos recueillis par Noémie Hamoudi
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