Rebelle – film d’animation
Une fois n’est pas coutume : c’est dans le décor somptueux et fascinant d’une Ecosse médiévale, clanique et divisée que les studios Pixar plantent le décor de leur nouveau film d’animation. Dont l’héroïne est une jeune princesse à la chevelure flamboyante, qui refuse d’être une princesse, justement. L’amour, le mariage, les princes – charmants ou non – sont à mille lieues de ses préoccupations : ce que Mérida aime par-dessus tout, c’est chevaucher à travers la forêt imprégnée de légendes, chassant l’aventure armée de son arc, qu’elle manie en guerrière vaillante et hors-pair. Mais voilà, la reine, sa mère, gardienne du maintien des traditions, tient à lui faire épouser l’un des fils des trois chefs de clan qui assument le partage du royaume, afin d’y préserver alliances et entente. Mérida, princesse rebelle, fait alors le vœu que sa mère change… Sans en soupçonner les fantastiques et terribles conséquences.
A partir de ce postulat de départ qui prend pour héroïne une jeune fille émancipée des clichés passifs où sont habituellement réduites les figures féminines de contes de fées ; se construisant et se définissant dans l’action ; et qui promettait tellement ; les studios Pixar élaborent une fable moraliste décevante et assez plate. Car enfin, si les personnages sont sympathiques et savoureux, le moins qu’on puisse dire est que le scénario n’est pas à la hauteur de leur potentiel. Les péripéties sont prévisibles de bout en bout, et le spectateur le plus naïf ne pourra probablement pas s’empêcher de prédire avec un quart d’avance le moindre supposé rebondissement. Dans le fond, il n’arrive rien à Merida qui ne soit arrivé des centaines de fois auparavant aux personnages habituels des productions Disney. Même son combat pour que les nouvelles générations royales parviennent à s’émanciper des traditions étouffantes n’est que du réchauffé. Déjà dans La Belle Au Bois Dormant, le prince Philippe rétorquait à son vieux roi de père, qui lui expliquait que selon le protocole il ne pouvait pas épouser une paysanne, que l’on était à présent au XIVe siècle et que les jeunes n’avaient que faire de ces traditions protocolaires ringardes. Or, le problème est que les studios Pixar nous ont habitués à beaucoup mieux – et surtout, à beaucoup plus de profondeur ! – que des intrigues classiques, linéaires et gentillettes dans la plus pure tradition Disney. (Quoi que l’on puisse penser des grands classiques Disney par ailleurs).
Il ne faudrait cependant pas entièrement renier Rebelle. Car visuellement, le spectacle est magnifique – en dépit d’une 3D comme d’habitude complètement inutile. L’animation est à couper le souffle ; les images tout bonnement superbes, avec un travail remarquable sur la couleur, le rendu des textures et des matières, les mouvements des personnages, la profondeur de champ, la lumière, les clairs-obscurs. Ainsi, le scénario a beau être faiblard, le film reste extrêmement agréable pour qui veut en prendre plein les mirettes. Nul doute que les plus petits apprécieront également, se laissant emporter par le spectacle et cette héroïne qui a du caractère, par la drôlerie sous-jacente de ce beau dessin animé – qui aurait sans doute pu s’avérer hilarant s’il avait été un peu mieux écrit – et par la musique aux accents celtiques, joyeuse et enlevée. On regrettera seulement, à ce dernier sujet, deux chansons particulièrement niaises – pourquoi donc depuis des décennies les producteurs des grands studios de dessins animés s’obstinent-ils à gâcher certaines de leurs plus belles séquences en tartinant de la guimauve auditive par-dessus ? – en se félicitant de n’avoir pu en compter que deux.
Mais le plus grand dommage fait à ce dessin animé qui aurait pu être vraiment merveilleux, c’est de se conclure sur une morale lourdement appuyée, simpliste et vaine. Ainsi, si les amateurs de belles images et de jolis films trouvent leur compte dans ce Rebelle qui ne l’est pas tant que ça, les aficionados des animations passionnantes et malines des studios Pixar risquent fort d’être déçus. D’autant plus que La Luna, le court-métrage qui précède Rebelle est pour sa part sublime et poétique. Or, la finesse, la poésie, la fantaisie ne seront jamais au programme de Rebelle. Et pourtant, il s’en serait fallu de très peu. Ce qui est d’autant plus rageant qu’en choisissant pour toile de fond l’Ecosse médiévale, imprégnée de légendes, de sortilèges et de feux-follets, les aventures de Mérida possédaient dès le départ une bonne matière à la créativité et à la rêverie débridées.
Raphaëlle Chargois
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Oscars 2013 (24 février)
- 1 prix : Meilleur film d’animation
Producers Guild of America Awards 2013 (26 janvier)
- Nomination : Meilleur film d’animation
Golden Globes 2013 (13 janvier)
- 1 prix : Meilleur film d’animation
Paris Cinéma 2012 (du 29 juin au 10 juillet)
- Avant-premières
Toiles du Sud – Festival du Rocher de Cotignac 2012 (du 17 juillet au 17 août)
- Avants-premières
Rebelle
De Mark Andrews et Brenda Chapman
Voix originales de Kelly MacDonald (Merida), Billy Connolly (Fergus), Emma Thompson (Elinor), Julie Walters (la Sorcière), Robbie Coltrane (le seigneur Dingwall), Kevin McKidd (le seigneur MacGuffin), Craig Ferguson (le seigneur Macintosh) et Sally Kinghorn (Maude)
Durée : 95 min.
A découvrir sur Artistik Rezo :
– les films à voir en 2012
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