Ready Player One de Spielberg : hommage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie…
La nostalgie est omniprésente dans notre culture populaire et s’exprime notamment à travers la phrase “c’était mieux avant” ; si elle est réconfortante, il ne faut pas ignorer que chaque décennie a connu ses propres problèmes ou crises. Le cinéma s’empare régulièrement de cette nostalgie en proposant des suites, remake ou reboot de nos franchises favorites, mais celles-ci rencontrent rarement le succès escompté.
Alors quand Spielberg annonce se mettre aux manettes d’une œuvre portant la nostalgie dans son code source, autant dire que la dichotomie était totale. Comment un des plus grands réalisateurs de tous les temps va-t-il traiter le plus grand le fléau ou bug de notre époque ? Ready Player One sort dans nos salles en 2018 et raconte l’histoire de Wade, survivant dans ce qu’il reste du Monde et s’échappe dans l’Oasis, un environnement virtuel où tout est possible et imaginable, selon lui. À la mort du créateur, une quête est mise en place pour trouver son successeur. Wade se battra donc contre une entreprise maléfique pour sauver l’Oasis.
Reprenant une fois de plus la quête du héros manichéen, ce film n’apporte rien au genre. Le personnage de Wade est, comme souvent, destiné à guider la rébellion contre le vilain empire à l’instar d’un Luke Skywalker ou un Harry Potter digitalisé. Il est aidé par des personnages relégués au rang de fonction, Art3mis, son “histoire d’amour”, et trois faire-valoir dont on retient à peine les noms. Dans un film comme celui-ci, l’alchimie des personnages se doit d’être parfaitement gérée pour pouvoir inclure le spectateur dans cet univers si particulier ; or la quête du héros n’a jamais été aussi insipide.
Par ailleurs, l’univers est décrit comme étant une aire de jeu illimitée. Malheureusement, sa superficialité la relègue au rang de simple plaisir visuel et encore. Une piste de course, une boite de nuit, un manoir et un château : pas de quoi dérider un game designer. Il suffit de regarder les vingt premières minutes du film pour comprendre que la sur-couche de pop culture ne sert qu’à enrober un monde bien fade. “On peut grimper sur des montagnes(…)” – ce qui n’est pas impressionnant – “(…) Avec Batman”. L’apparition de Batman joue sur le spectateur, qui le connaît donc potentiellement y adhère : ce n’est plus un film mais du fan service. Additionner des éléments culturels n’en fait pas un bon film ! La grande Aventure Lego avait compris que la surenchère n’était pas une bonne idée et a décidé d’imbriquer cette pop culture dans une histoire qui la légitimait : l’imagination d’un enfant.
Dans la suite du film, Spielberg nous emmène dans sa propre nostalgie, le monde de son défunt ami Stanley Kubrick. Il entraîne ses personnages dans le manoir de Shining et joue encore une fois sur le même procédé : je connais donc j’adhère. Par ce procédé, il montre que le projet est malhonnête, il subtilise le ressenti du spectateur devant l’œuvre originale pour se l’approprier. Au final, nous sommes heureux d’avoir la référence, pas d’arriver dans un environnement que l’on connaît par cœur.
Pour notre plus grand désarroi, Spielberg se perd dans cette avalanche de nostalgie et de pixels très bien filmés, oubliant de créer des personnages et un univers au delà de la simple référence. Si Jurassic Park n’avait été qu’un T-Rex en animatronique dernier cri mangeur d’hommes, on aurait loué la prouesse technique au profit d’un film de série Z qui n’en valait pas le coup. On n’est pas loin du même effet ici.
Bref, Spielberg c’était mieux avant.
Victor Ribeiro
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