“Un voyage” comédie dramatique de Samuel Benchetritt
Un voyage De Samuel Benchetritt Avec Anna Mouglalis, Yann Goven Durée : 82 mins |
Trois ans après le bide retentissant de « Chez Gino », le pourtant surdoué auteur de « Janis et John » et « J’ai toujours rêvé d’être un gangster » aborde un virage à 180° dans son parcours avec un film aussi déroutant dans le fond que dans la forme. Il offre par ailleurs à son ex compagne Anna Mouglalis son rôle le plus abouti à ce jour.
Il avait débarqué dans le long métrage avec un film au casting de rêve et une histoire aussi irrésistiblement drôle que complètement frappée. « Janis et John » fustigeait avec une frénésie jubilatoire les petits comportements bourgeois engoncés dans leur indécrottable quotidienneté. Sorti quelques semaines après la mort de Marie Trintignant, le film n’avait pas réussi à trouver auprès d’un public overdosé du drame de Vilnius le succès qu’il aurait amplement mérité. Cinq ans plus tard, un autre ovni « J’ai toujours rêvé d’être un gangster », film décalé avec une scène cultissime entre Arno et Bashung se taillait un succès d’estime. En 2011, « Chez Gino » est éreinté par la critique, franchit péniblement les 100 000 entrées et repart avec le « Gérard de l’acteur qui ferait bien d’arrêter de se la jouer et d’apprendre à jouer tout court » pour Anna Mouglalis. Dur ! Avec des mises en scène pourtant soignées, référencées (Benchetritt voue un culte à Billy Wilder notamment), le cinéaste avait jusqu’à présent opté pour une rigueur dans la forme pour mieux mettre en relief ces délires de scénariste débordant d’imagination. Il franchit avec « Un voyage » un cap qui risque d’en dérouter plus d’un. Un couple laisse les enfants à l’école un beau matin de fin de semaine, chargeant la grand-mère d’aller les chercher le soir et taille la route pour la Suisse. Le but de cette pérégrination demeure flou. Daniel et Mona s’aiment à la folie, à s’en déchirer pour mieux se réconcilier, véritablement aimantés l’un à l’autre, insociables, insérables… Anna Mouglalis prodigieuse Tourné en trois semaines avec un budget ridicule, ce quatrième opus du cinéaste va donner lieu à de multiples scènes à la lisière du surréalisme comme il sait si bien en inventer. Mais à l’inverse des précédents films, la forme va ici épouser le fond au risque de fortement ébranler le spectateur. Une caméra à l’épaule, vacillante, et des cadrages volontairement approximatifs éloignent définitivement le propos de l’escapade amoureuse dans une thébaïde aux paysages romantiques. Le cinéaste va filmer les dérèglements psychologiques et même psychiques de son héroïne avec une frénésie viscérale, une urgence. Urgence de saisir le moindre souffle de vie, de s’aimer, de jouir de l’instant présent. Baladant le spectateur au gré de cette folie, de digressions en virages narratifs moins incontrôlés qu’ils n’y paraissent, Benchetritt mène une réflexion sur l’amour fou, l’amour à mort, la peur de se perdre jusqu’à un final inattendu de toute beauté. Anna Mouglalis, qui fut une très convaincante Coco Chanel dans le film de Jan Kounen se défait avec ce rôle de Mona de cette carapace un peu froide et distante affichée dans ces rôles précédents. Sa performance incandescente, viscérale la hisse sans conteste au rang des comédiennes capables de tout jouer. On ne peut que souhaiter que ce « Voyage » là la mène vers les Césars en 2015. Elle le mérite largement. Franck Bortelle |
Articles liés
« Les Misérables », une nouvelle production brillante au Théâtre du Châtelet
Plus de quarante ans après la première création en français, l’opéra d’Alain Boublil et de Claude-Michel Schönberg revient au Théâtre du Châtelet dans une nouvelle version et une mise en scène de Ladislas Chollat. Quarante interprètes dont des enfants...
“Moins que rien” : l’histoire de Johann Christian Woyzeck adaptée au Théâtre 14
L’histoire est inspirée de l’affaire de Johann Christian Woyzeck (1780-1824) à Leipzig, ancien soldat, accusé d’avoir poignardé par jalousie sa maîtresse, Johanna Christiane Woost, le 21 juin 1821. Condamné à mort, il a été exécuté le 27 août 1824....
La Scala présente “Les Parallèles”
Un soir, dans une ville sans nom, Elle et Lui se croisent sur le pas d’une porte. Elle est piquante et sexy. Lui est hypersensible et timide. Il se pourrait bien que ce soit une rencontre… Mais rien n’est moins sûr, tant ces deux-là sont maladroits dans leurs...