Petit tailleur – Louis Garrel
Flamboiement et modestie : voilà ce que l’on aime chez l’acteur Louis Garrel ! Ce tiraillement paradoxal que ce beau brun, fétiche des films de Christophe Honoré, résout dans l’humour, souvent, puisqu’aussi bien le temps passe et nous dépasse, de toute façon. Flamboiement et modestie : voilà ce que l’on retrouve, gaiement, dans son nouveau moyen métrage. Dans la manière comme dans le propos, en outre : c’est dire si ce Petit tailleur – de seulement 43 minutes – vaut la peine d’être fréquenté ! Rien que le titre, déjà, qui oscille entre conte désuet et second degré : comment ne pas entendre « petit ailleurs » ? Et donc ne pas se laisser emporter, sinon bluffer ?
Attention, un titre peut en cacher un autre, et une vie itou ! C’est de cela, précisément, dont nous parle Louis Garrel (auteur-réalisateur mais pas acteur, seule sa voix off est présente à l’écran), à travers le personnage d’Arthur, petit tailleur rêveur de 25 ans. Ce jeune parisien, au charme flou et doux, finement interprété par Arthur Igual, écoute avec tendresse le vieil Albert lui transmettre son savoir et ses souvenirs, dans son atelier, jusqu’au jour où il croit tomber sur le grand amour : Marie-Julie, actrice fantasque et fiévreuse. On sent d’emblée qu’elle va le mener là où elle veut, la belle (Léa Seydoux, en l’occurrence), à savoir dans ce « petit ailleurs » où le temps s’accélère, fulgurant sans doute, mais peut-être aussi très menteur… Aura-t-il assez de souffle, ce jeune homme terrifié par la vie ?
Flamboiement ou modestie, rêve éveillé ou quotidien raisonné, nuit ou jour : voilà bien le dilemme d’Arthur, double probable de Louis, puisque l’on sait, depuis son premier court – Mes copains, réalisé en 2008 – qu’il aime filmer ses proches et donc un peu lui-même. Justement : le talent de Garrel, c’est d’avoir su trouver le ton – joueur, narquois, tout en ruptures – et la forme idoine (superbe noir et blanc) pour restituer cette hésitation. Pour incarner ce moment de passage, cette croisée des chemins, et en faire une œuvre bien à lui. Poétique et rieuse, foutraque et ambitieuse.
Bien sûr, ce ton et cette forme rappellent ceux de la Nouvelle Vague (la voix off, les citations littéraires, Paris, sa nuit, ses rues, le beau visage de Léa Seydoux qui fait penser à celui d’Anna Karina, etc) comme ceux de Philippe Garrel, le père cinéaste, flamboyant marginal, tiens donc… Pour autant, Louis n’est jamais dans l’hommage transi ou émerveillé. Non. Au fond, vouloir naître au cinéma d’auteur en se présentant comme le dépositaire d’une longue et belle histoire, ceci à travers un format court (petit), c’est assez… modeste finalement. Et… flamboyant en même temps ! De fait, on a très envie, désormais, que Louis Garrel s’affranchisse tout à fait.
Ariane Allard
Petit tailleur
Le Louis Garrel, avec Arthur Igual, Léa Seydoux, Grand Albert.
En salle le 6 octobre
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