Pauline Darrieu : “Même jeune, on en est capable”
Elle n’avait que 16 ans lorsqu’elle écrit son seul en scène et le joue le temps d’une soirée. Deux ans plus tard, elle est doublure au cinéma et actrice pour les futurs espoirs du 7e art. Sa passion du théâtre ne cesse de grandir, rencontre avec Pauline Darrieu.
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Pauline Darrieu, j’ai 18 ans. Je suis en Licence Arts du Spectacle, en cinéma et théâtre, à Paris-Nanterre. Je dirais que je suis un peu touche-à-tout… je fais de l’improvisation aux Cours Anna, un peu de photographie et de montage vidéo aussi quand j’en ai le temps et l’envie. J’essaye d’approcher tout ce qui est du milieu artistique. J’ai le rêve de faire de l’art, faire vivre la culture plus ou moins comme je le peux, ça fait partie de mes engagements.
À quel âge t’est venue la passion du théâtre, du spectacle ? Depuis combien de temps pratiques-tu ?
J’ai découvert le théâtre à l’âge de 11 ans. J’étais en 6e à ce moment-là, et je me rappelle avoir choisi l’option théâtre. C’était un réel coup de cœur, au point de développer une passion inconditionnelle pour le théâtre, et ça très rapidement. Je ne m’en suis jamais vraiment détachée depuis. Et forcément, quand on a une attirance pour le théâtre, on ne s’arrête jamais vraiment là… En ce qui me concerne, j’aime bien découvrir plein de choses, et donc je me suis intéressée plus largement au milieu du spectacle. Finalement, j’ai commencé le théâtre en même temps que ma passion s’est développée, puisque c’est grâce à ma pratique que je l’ai apprécié. J’ai intégré les Cours Florent en cursus adolescent, il y a 3-4 ans de cela. Après, plus on pratique, plus on découvre, et donc l’envie du théâtre ne cesse de grandir. C’est comme ça que je vois les choses. Alors j’ai commencé à pratiquer de plus en plus. Je suis passée de deux heures de théâtre par semaine à huit heures, à l’âge de 16 ans.
Récemment, tu as élaboré un seul en scène, destiné à être joué. Cela s’est d’ailleurs réalisé. Peux-tu nous raconter cette expérience, et nous dire ce que cela t’a apporté ?
L’histoire de mon seul en scène est pour moi, une expérience vraiment particulière. J’espère ne jamais l’oublier. Il y a des choses qu’on n’a pas envie d’oublier, et mon seul en scène en fait partie. Déjà, parce que pour créer un seul en scène, il y a différentes étapes. Il y a celle de l’écriture, qui prend un certain temps. Quand j’ai appris que je pourrais la mettre en scène, la jouer pendant une soirée ; que j’aurai cette chance… Il y a l’étape de tout ce qui est : mise en scène, scénographie, régie lumière et son… Tout ça ! Et donc, ça demande énormément de polyvalence, un exercice que je n’avais jamais vraiment fait. Je pense que cette expérience m’a fait connaitre le plaisir de vagabonder un peu dans son imaginaire, surtout qu’à 16 ans, ce qu’on fait peut être assez maladroit, mais des fois ça marche ! C’est ça qu’il faut se dire. Ce qui est super agréable, c’est que j’ai pu porter un projet, une parole parce que je pense que mon seul en scène était assez engagé, du moins je le perçois comme ça. Je peux me tromper, mais mon point de vue ne changera pas, il était engagé. Donc, j’ai vraiment pu porter ma parole et mon projet de A à Z. En faire quelque chose qui me plaisait, me dire que j’en étais capable. Ce n’est pas parce que je suis jeune que je ne pouvais pas, que je n’avais pas les moyens. Je me les suis donnés pour faire quelque chose, et je pense que c’était vraiment très important pour moi. Ça m’a beaucoup apporté, notamment dans mes convictions et ma vision de moi-même. Car le fait de faire un projet et de porter un message, ça permet de dire qu’on en est capable, même jeune, et ça, ça fait du bien ! Et évidemment, ce projet a davantage développé mon envie de continuer – absolument – dans ce domaine, d’en faire plein tout le temps : créer, créer, créer… J’ai aussi pu voir qu’il n’y avait pas que le jeu, que le théâtre c’est vraiment plein de choses. Il ne faut pas que je me ferme de portes, car tout peut m’intéresser.
Le film King de David Moreau est sorti au cinéma le 16 février 2022. Pour ce dernier, tu as été doublure d’un des personnages, lequel ? Comment cela se passe, et quels conseils pourrais-tu donner à des personnes qui souhaiteraient doubler ?
Pour le projet de King, qui est sorti dernièrement, j’ai été doublure du personnage principal qui s’appelle Inès. En fait, le principe d’être doublure est décomposé. Pour ma part, j’étais doublure image et lumière. Je servais pour certains plans, à la fois pour éviter que l’actrice, Lou Lambrecht, joue et pour tout ce qui était des réglages lumière. Je me retrouvais alors à sa place. L’idée principale de la doublure, dans mon cas et comme je l’ai vécue, c’était vraiment de gagner du temps sur le plateau pour que l’actrice vienne seulement au moment où tous les réglages ont été faits : lumières, déplacements de la caméra…
Ensuite, pour des essais de raccords, d’inserts, etc… En tout cas, des moments où l’on ne se rend pas compte que ce n’est pas l’actrice qui joue mais que ça colle tout de même bien et que ça passe dans la fluidité du film. Les conseils que je donnerais pour ceux qui souhaiteraient faire de la doublure, déjà, ce n’est pas de se décourager parce que la doublure image c’est très compliqué ! Il faut vraiment ressembler à l’actrice ou l’acteur, ce qui reste relativement difficile ; et c’est surtout indépendant de notre volonté. Je pense aussi qu’il faut être doté d’une grande patience. Après, ce n’est pas propre aux doublures. Je pense que les actrices et acteurs, les figurants, ont besoin de cette patience. Et il faut aimer se balader on ne sait où, ne pas être dérangé par l’idée de ne pas savoir ce qu’on va faire durant la matinée. En tant que doublure, tu ne sais pas à quoi tu vas servir, mais tu sais que tu vas servir. Il faut avoir envie d’être au service des réalisateurs, chefs opérateurs, et tous les autres métiers qui contribuent au tournage au film.
L’école de cinéma ESRA propose des projets à ses étudiants, dont celui de réaliser un court-métrage en seulement 48 heures. On te voit à l’affiche d’une de ces productions. Peux-tu nous en parler ?
Le projet ESRA c’est un concours mis en place par le bureau des étudiants de cette école. Le but étant de faire un court-métrage en seulement 48 heures, un gros challenge qui demande beaucoup de travail ! J’ai eu la chance d’être appelée sur ce projet grâce à un ami d’enfance qui est étudiant à l’ESRA. On s’est alors retrouvés sur ce projet ensemble, avec toute l’équipe qu’il a formée. Le projet impose certaines contraintes comme un genre, des références ; il faut se préparer à dix heures de tournage continues. C’est un peu particulier pour le coup, parce que c’est un projet fait dans l’urgence. Mais c’est aussi ce qui était agréable et challengeant, parce que tu dois rendre un court-métrage dont tu seras fier, dans un temps imparti. Dans ce court-métrage, je joue un des personnages principaux. Celui de Sarah, une jeune fille qui se réfugie chez un homme, Jérôme, pour survivre dans un monde où le réchauffement climatique a pris le dessus, où il fait très chaud durant la sixième heure.
Qu’est-ce que l’art du jeu selon toi ?
Alors… je trouve que cette question est assez compliquée. Je pense que l’art du jeu, en tout cas mon prof de théâtre disait ça : “c’est la capacité à paroler”. Paroler, c’est un terme qu’on a inventé avec ma classe de théâtre, qui signifie rendre un texte en une parole. C’est le fait de vraiment lui donner un caractère très inné et c’est la complexité du jeu. Pour moi, l’art du jeu, c’est l’art de la nuance, du ton, de l’interprétation, la complexité de la représentation humaine, de la psychologie… c’est tout ça. Et l’art du jeu, c’est un art très dépendant. C’est un art particulier puisqu’il se développe au sein même de l’art théâtral. Je dirais que l’art du jeu est dépendant de l’art de la mise en scène, des lumières, des sons, de la scénographie… Donc, il est dépendant, et nous, qui le pratiquons, on dépend de lui pour aboutir à quelque chose, à un propos. Le jeu, ce n’est pas seulement le fait de dire quelque chose, d’apprendre son texte et de le ressortir, pour moi, c’est beaucoup plus complexe que ça. Parce que ça va être dans le texte que l’on va jouer, qu’on va passer du temps à essayer de comprendre la dynamique du personnage et sa psychologie, pour pouvoir mieux le jouer. L’art du jeu, c’est à la fois quelque chose d’assez ressenti, et de travaillé. C’est tous les soucis qui en découlent, se demander si ça sonne bien et le retravailler si ce n’est pas le cas. C’est prendre beaucoup de temps, et c’est presque de l’ordre de l’intime.
Propos recueillis par Célia Buhlmann
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