Paris-Manhattan – comédie romantique avec Alice Taglioni et Patrick Bruel
Alice est une jeune pharmacienne au caractère bien trempé, qui aime son activité professionnelle et sa famille un peu farfelue. Seule fausse note dans sa vie : elle n’a toujours pas trouvé l’homme avec qui la partager. Ou plutôt si, elle croit l’avoir trouvé, mais c’est sa sœur qu’il a épousé. Malgré l’opiniâtreté de son père, qui s’efforce par tous les moyens possibles de lui dénicher des prétendants, Alice préfère donc se réfugier dans son amour pour Cole Porter et sa passion indéfectible pour le cinéma de Woody Allen – ce qu’on ne saurait lui reprocher, il faut bien l’admettre. Jusqu’au jour où elle rencontre un concepteur d’alarmes paralysantes un peu cynique, qui n’a jamais vu un film de Woody Allen et se plaît à la titiller pour la forcer à se confronter au monde réel…
Ce qui fait la fraîcheur de cette comédie romantique estivale, ce n’est certainement pas l’originalité de son scénario, prévisible de bout en bout. Car dans ce genre se prêtant trop aisément à la niaiserie la plus dégoulinante, les caractères les plus antagonistes ne semblent devoir se rencontrer que pour mieux permettre la naissance de folles passions amoureuses. (Après tout, la sagesse populaire veut que « les contraires s’attirent »). Néanmoins, cette bluette parisienne sur fond de Woody Allen n’est pas dénuée de charme et saura certainement séduire les spectateurs en quête d’un peu de légèreté.
D’abord, parce que si la réalisatrice, Sophie Lellouche, laisse transparaître une vénération — que l’on peut soupçonner réelle — pour Woody Allen, elle ne présente à aucun moment la prétention de l’égaler. Ainsi le Maître est-il présent en filigrane tout le long du film, en tant qu’inspiration de l’héroïne, qui la guide à travers les péripéties de l’existence, grâce à des aphorismes tirés de ses films. Il y a là un évident plaisir cinéphilique, dans cette façon de mettre en scène cette passion qui pousse parfois les individus à ériger en mentors des artistes admirés et à se confronter grâce à eux à toutes les circonstances de la vie. Cela donne lieu à des situations aussi cocasses que bien perçues, par exemple, lors d’une scène très plaisante, dans laquelle Alice prescrit, en guise de phytothérapie, des DVDs à des clientes moroses. On ne peut s’empêcher de souscrire immédiatement à cette médicamentation cinéphilique, beaucoup plus saine et moins aseptisante que les psychotropes habituellement destinés à combattre le spleen.
Ensuite parce que le casting sert impeccablement cette comédie légère et rafraîchissante, du couple de tête Alice Taglioni / Patrick Bruel — qu’on aurait pourtant pu craindre agaçant, mais qui laisse affleurer à l’écran une belle alchimie — aux seconds rôles où l’on distingue particulièrement Michel Aumont en père surprotecteur et entremetteur.
Paris-Manhattan n’est cependant pas exempt de défauts, dont l’un serait peut-être de rester trop dans l’évocation de son idole revendiquée sans jamais l’aborder de front. Ainsi ce qui fait la beauté, la grandeur, disons carrément le génie du cinéma de Woody Allen ne fait pas même l’objet d’une tentative d’explication. Lorsque l’occasion s’en présente, au cours d’une soirée où un mécréant proclame la désuétude de l’intemporel Manhattan, Alice ne fait que s’indigner — mais encore une fois, on la comprend — avant de rabrouer vertement le malandrin. Pourtant, cela aurait pu constituer un très bel hommage rendu à Allen que de s’amuser à l’analyser un peu sur le mode de la comédie, lui qui se réclame de tellement d’artistes, philosophes, intellectuels, cinéastes, musiciens et écrivains, tout au long de son impressionnante filmographie ! Or, même si les marivaudages Alleniens servent de métaphore sensible à l’héroïne pour comprendre qu’elle doit vivre sa vie au lieu de la rêver, en attendant que son homme idéal sorte d’un écran de cinéma comme dans La Rose Pourpre du Caire, le prétexte apparaît tout-de-même un peu trop faible.
Toutefois, la comédie atteint aisément son but : faire partager à tous, initiés ou non, un très agréable moment autour d’une histoire d’amour… de cinéma.
Raphaëlle Chargois
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Festival du Film de Cabourg – Journées romantiques 2012 (du 13 au 17 juin)
- Nomination : Prix premiers rendez-vous/Meilleure interprétation
Paris-Manhattan
De Sophie Lellouche
Avec Alice Taglioni (Alice), Patrick Bruel (Victor), Marine Delterme (Hélène), Louis-Do de Lencquesaing (Pierre), Michel Aumont (le père), Marie-Christine Adam (la mère), Yannick Soulier (Vincent) et Margaux Chatelier (Laura)
Durée : 77 min.
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– les films à voir en 2012
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