Paisito de Anna Diez
L’histoire opère un retour en arrière en 1973, année fatidique où un coup d’Etat plonge l’Uruguay, surnommé « paisito », ou le « petit pays » de l’Amérique Latine, dans une dictature militaire qui va durer douze ans. Les amours naissantes entre Xavi, fils d’un collaborateur des Tupamaros (du nom des guérilleros marxistes), et Rosana, fille d’un chef de la police locale, sont interrompues brutalement par les événements. Vingt ans plus tard, lors de leurs retrouvailles en Espagne, ils essaient de comprendre leur histoire et de lui redonner un sens.
Moins connu du grand public que ceux advenus en Chili et en Argentine à la même époque, le putsch militaire en Uruguay sert de toile de fond à l’histoire de Xavi et Rosanna. Il survient dans un pays où le football est une religion, un véritable exutoire pour toutes les classes de la société. Et comme dans un match de foot, il fallait choisir son camp : à gauche du terrain, les Tupamaros, à droite, les militaires.
Le principal intérêt du film réside dans son parti pris de ne privilégier aucun point de vue. Etait-il possible de rester neutre, quand les circonstances et l’entourage proche forçaient à pencher vers un camp plutôt qu’un autre ? La grande force de la réalisatrice est d’échapper au manichéisme en montrant les dilemmes qui agitent les personnages. D’un côté, Manuel, le père de Xavi, cordonnier et accessoirement ancien combattant républicain espagnol, résiste farouchement à l’appel à la collaboration de ses amis tupamaros, avant de finalement céder. De l’autre, Severgnini, chef de la police locale et père de Rosana, sorte d’idéaliste politique, résistera aux incitations de sa famille à soutenir les militaires, avant d’en payer cher le prix.
Les modérés ou centristes sont finalement les grands perdants du conflit. Et leurs enfants en récolteront le fruit amer. Restent pour ces derniers une fois devenus adultes, à cultiver le souvenir de ce qui fut le fil conducteur de leur existence : un amour d’enfance trop tôt avorté. Et c’est là où le bât blesse. Les parties du film qui retracent les retrouvailles de Xavi et Rosana sont les moins réussies, comparées aux flash-backs dans les années 70. Rosanna veut guérir et comprendre le passé, alors que Xavi n’aspire qu’à tirer définitivement le rideau sur le drame. Le propos est simple, mais la manière dont Anna Diez l’a retranscrit, simpliste. Le spectateur a du mal à s’attacher à ces deux personnages et n’a envie que d’une chose : qu’un autre plan du film le ramène en arrière, à l’histoire de Xavi et Rosana, enfants.
Si Paisito n’échappe pas à un certain didactisme dans la description du contexte politique de l’époque – une maladresse sans aucun doute due à une volonté de restituer la vérité historique – , il n’en reste pas moins un film attachant quand il dépeint avec nostalgie la fin de l’innocence, la découverte de la brutalité du monde des adultes, et la difficulté de refermer les cicatrices de l’enfance.
Roxane Ghislaine Pierre
Paisito
Un film de Anna Diez
Avec Emilio Gutiérrez Caba (Manuel), Andrea Davidovics (Dolores), Maria Botto (Rosana adulte), Nicolás Pauls (Xavi adulte)…
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