Octubre, un film de Daniel et Diego Vega
Clemente, rustre personnage, fils du prêteur et prêteur lui-même, est un homme solitaire dont la froideur impose le respect de ses emprunteurs. Banque officieuse de son quartier, l’acariâtre gère son business avec parcimonie et indifférence. Mais Clemente s’octroie pour seule chaleur humaine les services fugaces des prostituées qu’il fréquente assidûment, avec cette même désaffection.
Jusqu’au jour où l’une d’elles se fait la belle, abandonnant le fruit de ses relations corvéables. Clemente découvre alors chez lui un panier qui renferme les couinements d’un nouveau-né. La surprise du bougre est impassible. Sa dévote voisine Sofia semble toute disposée à prendre soin de l’enfant, le temps pour Clemente de rechercher la mère en fuite et lui rendre son « dû ». En ce mois d’octobre saint, la très pieuse Sofia perçoit un miracle dans ce bouleversement et mise sur ce rapprochement avec son voisin pour imaginer construire une famille. Elle a beau se donner corps et âme, ses efforts sont vains, le prêteur demeure vil. Il ne saisit pas cette chance, au prix du regret et de la solitude probablement. À qui alors appartient la résignation ?
Dans ce quasi huit-clos du logis sommaire de Clemente, une lueur d’humanité voudrait poindre, elle est palpable. On l’effleure. Daniel et Diego Vega nous plongent dans l’intimité de ces personnages, mettent leurs âmes à nu. La crudité est juste et risible malgré elle. Dans la société désuète qui est ici dépeinte, aucune convention ne nous distance des sentiments – pudiques ou muselés. La déroute de Clemente, les velléités de Sofia, la tendresse d’un vieillard, la servilité roublarde des filles de mauvaise vie, tous ces traits se rejoignent dans leur introversion. Octubre est servi par ces silences qui se suffisent à eux-mêmes. Entre opacité et transparence des émotions, le spectateur a le droit de deviner, de comprendre, de recevoir sans que tout soit donné en pâture. Jusqu’à l’issue, qui laisse pantois.
Il y a une simplicité toute noble dans la narration de ce conte digne de la fable. Riche de symboles, ce film s’inscrit dans le culte d’une période historiquement importante au Pérou. Un mois d’octobre religieux et traditionnel, au cours duquel les Péruviens vouent un culte au Seigneur de Miracles. Mais Clemente n’a rien à voir avec ce Seigneur des Miracles, lui ne donne pas, il échange. Et la foi de Sofia lui attribue toute sa retenue aux dépens de ses désirs.
Les frères Vega signent un long-métrage habile, doué d’une carnation troublante. Les protagonistes incarnent l’ambiguïté d’une promiscuité avec une pondération justement menée. Carlos Gassols (Clemente) affiche malgré son aigreur une présence forte et une beauté grave.
Hélène Martinez
Octubre
De Daniel et Diego Vega
Avec María Carbajal, Carlos Gassols
Sortie le 29 décembre 2010
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