Nuits d’ivresse printanière – Lou Ye
La femme de Wang Ping le fait suivre car celui-ci, infidèle, la trompe avec un homme. Alors que le couple à la confiance brisée se déchire, le filateur Luo Haitao a lui aussi, alors qu’il a une compagne, Li Jing, succombé à l’amant de ce dernier : le fascinant Jiang.
Un triangle amoureux va naître, marquant le début de nuits fougueuses et de tiraillements intérieurs entre passion et tristesse, dénis et émotions refoulées.
On se perd entre sexe et spleen, à travers une réalité brute, poétique mais jamais sublimée : tristement naturaliste. Une poésie aussi bien visuelle que narrative où l’on se laisse bercer par les extraits du livre de Da fu qui interviennent régulièrement. Entre décors nocturnes et paysages pluvieux, Lou Ye tient constamment le spectateur à distance en le plaçant dans une position de voyeur durant tout le film. Il nous contraint à la froideur : froideur du scénario, des dialogues, des personnages qui semblent se méconnaître eux même, nous échapper et à qui on ne peut, faute de quoi, s’attacher.
Mais une distance qui n’est pas désagréable quand on considère le film comme étant, finalement, une sorte de démonstration quasi mathématique de la complexité des sentiments, des sens et de notre manière d’allier les deux ; faisant du film une forme de tragédie humaine qui nous est renvoyée à la figure.
Beaucoup trouveront au film des longueurs, mais peut-être faut-il ces longueurs de personnages plongés dans un vide psychologique pour signaler que Nuits d’ivresse est bien plus qu’un film aux scènes érotiques. Une réalisation qui est, d’autre part, une belle manière pour le réalisateur de briser les tabous de l’homosexualité en Chine, qui encore en 2001 y était considérée comme une maladie mentale.
Nuits d’ivresse est un de ces films aux multiples facettes, qui laisse méditatif et colle à la peau bien après la séance.
Amandine Joannès
Nuits d’ivresse
Un film de Lou Ye
Avec Qin Hao, Chen Sicheng, Wei Wu, Tan Zhuo, Jiang Jiaqi
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