Philippe Katerine, en famille
Cinq ans après « Robots après tout », le pitre magnifique revient avec un album « Phillippe Katerine » moins électro et plus lo-fi, et encore plus délirant ! On y croise toute sa famille, ses parents (représentés avec lui sur la photo de la pochette), sa compagne Jeanne Balibar, sa fille Eddie… Il répond à quelques questions, ou tout du moins nous emmène dans son univers fou, drôle, décalé, toujours surprenant.
Comment créez-vous ? Comment sélectionnez-vous ce que vous gardez ?
Pour « Phillippe Katerine » j’ai beaucoup produit, une soixantaine de pièces, et finalement je n’ai retenu que 24 morceaux. Je les enregistre à la guitare, sur un petit magnétophone. En général je ne les réécoute même pas, ou pas vraiment. Je garde celles qui me reviennent, qui me suivent comme des petits chatons suivent leur maman chatte. Je ne peux pas faire autrement que leur donner la mamelle ou le biberon. Vous vous rendez compte de la douleur quand mon disque est sorti, le 27 septembre, j’étais vachement inquiet, je ne savais pas où il était… il sortait pour la première fois… il faisait froid… j’appelais la police, « Allô c’est Philippe Katerine, mon disque est sorti, je ne sais pas où il est… il est SDF, il va mourir…. »
Votre famille est très présente dans votre nouvel album, « Phillippe Katerine », mais elle vous suit depuis le début. Comment collabore-t-elle à votre carrière ? Avec un grand enthousiasme ou bien avec fatalisme ?
Toutes mes chansons portent sur la famille. Je voulais faire interpréter la chanson « Il veut faire un film » à mes parents. Au début j’avais pensé pour cette chanson à Serge Lama dans le rôle de mon père et à Petula Clark dans celui de ma mère. Puis finalement, je me suis dit : autant leur demander à eux ! J’ai ramené le ghetto blaster sur la table de la cuisine, après le café, je leur ai joué la chanson en prenant les rôles de tout un chacun. En entendant les paroles « Il veut faire un film/ Avec une femme nue/ Et des handicapés/ Est-ce qu’il faut le faire ou pas », ils ont eu un réflexe de recul. Je précise que ce sont des dialogues qu’on a déjà eu dans la vraie vie : ce n’est pas que je leur demande la permission, mais je pense aussi à mes parents quand j’ai des idées. Est-ce que ça va les choquer ? Est-ce que ça va leur plaire ? Est-ce qu’ils vont être ravis ? Pour le coup, ils n’étaient pas ravis, mais ils étaient partants. On a donc enregistré à Paris durant une bonne journée, après avoir mangé du poulet et des petits pois… avec une grosse pâtisserie qui nous attendait au studio.
L’accueil critique vous fait-il peur ? Vous êtes-vous réconciliés avec l’accueil public, qui fut assez douloureux dans vos débuts ?
Peur ? MOI PEUR ? Jamais. J’ai pas peur, moi. Je connais ce sentiment, des gens m’en ont parlé, je l’ai même connu. Mais jamais pour mes chansons. De la mélancolie seulement. Pour ce qui est de la souffrance, j’en éprouve beaucoup moins. J’ai toujours eu un côté beaucoup plus maso que sado. Contrairement à vous ; c’est pour ça qu’on s’entend bien. Auparavant je me forçais un peu à aller sur scène, j’étais très timide, maintenant ça va mieux. Je n’ai même plus le trac en montant sur scène, ce qui est un autre danger : je monte sur scène comme si j’allais acheter mon pain. Sauf que ce n’est pas moi qui débourse de l’argent. Contrairement à vous.
Avez-vous favorisé le son au sens dans ce nouvel album ?
Je ne dirais pas ça, mademoiselle Mathilde. Je dirais que bien sûr, le son a un sens, et le sens a un son et que le mélange des deux fait que quelque chose se passe. L’enjeu est de réorganiser le monde avec peu d’éléments, par des déplacements légers, en espérant que quelqu’un saura reconnaître cette nouvelle organisation, et éventuellement s’y reconnaître.
Quel est la part de l’aléatoire dans ce jeu que vous pratiquez ?
Je ne veux rien maîtriser, le moins possible. J’ai un côté artisan, mais artiste aussi, car j’aime le hasard, alors que l’artisan fuit pas le hasard. Il veut tout maîtriser. J’essaye de m’abandonner au fil du temps. Je ne suis pas tout à fait dans le Grand Jeu des surréalistes, ou bien dans l’Oulipo de Pérec. Je suis plutôt dans le Rêve, donc dans le hasard inconscient.
Pourquoi privilégiez-vous la forme courte dans vos créations ?
Parce que je suis d’un naturel impatient, et que j’ai des problèmes de concentration. Je suis un papillon qui a vendu ses ailes au vent, même si la phrase n’est pas de moi.
Philippe Katerine, merci.
Je peux vous lécher le dessus de la main ?
Non merci, une autre fois peut-être.
Propos recueillis par Mathilde de Beaune
Lire aussi sur Artistik Rezo, Philippe Katerine au 106 de Rouen.
Et Philippe Katerine au cinéma dans Je suis un no man’s land.
Philippe Katerine – Philippe Katerine
Barclay
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