Mother – un film de Bong Joon-ho
Que l’on ne s’y méprenne pas : si la trame de Mother est le meurtre d’une jeune fille dans les rues d’un petit village coréen, l’enquête et le thriller s’effacent pour que s’expriment pleinement les émotions de la mère du principal suspect. Il faut dire que Do-joon (Won Bin) est une cible facile : un peu « lent », sa naïveté le distingue de la masse.
Désemparée suite à cette arrestation, La Mère – cette figure aux traits mystiques – se met en quête de ce qu’elle pense être la seule vérité possible : l’innocence de son enfant. Un bon prétexte pour le cinéaste qui entreprend une critique en filigrane de l’incompétence des forces de l’ordre et de la justice de son pays. Permettant ainsi de délivrer des passages d’un comique irrésistible, comme pour rendre plus supportable la tension latente à laquelle on ne parvient à échapper totalement.
Patchwork de sentiments
Dès les premières images de Mother, Bong Joon-ho enveloppe son récit d’une aura magnétique : Kim Hye-ja entame des mouvements aux exhalaisons nostalgiques dont l’arcane se révèle à l’aube des dernières séquences. A l’image du champ aux lignes infinies devenu, le temps d’une danse, un théâtre sauvage, le personnage dévoile un caractère inaccessible.
La douceur qui émane du corps frêle de cette mère au bord du gouffre se teinte d’une brutalité déconcertante dès lors que le danger guette le mince équilibre qu’elle a peiné à installer au sein de son foyer. Son amour pour son fils a quelque chose de troublant : inconditionnel, aveugle, parfois dérangeant, il ne connaît aucune limite.
L’oubli, quel qu’en soit le prix
L’innocence de Do-joon est le fruit d’une sinistre malédiction. Ou d’une bénédiction imperceptible. Le jeune homme omet toute chose au fur et à mesure, comme d’autres les noteraient pour s’en imprégner à jamais. En quelques minutes, maladivement, les souvenirs s’évanouissent. Ignorant, il semble alors épargné par les réalités parfois cruelles de la vie. Ou quand l’amnésie soulage âme, cœur et conscience de ses erreurs et de ses sentiments les plus indésirables. Ironie du sort, l’oubli apaise avant de dévaster.
Mélanie Grenier
Mother
Un film de Bong Joon-ho
{youtubejw}jYfv4jAi1ts{/youtubejw}
Sortie le 27 janvier 2010
Avec Kim Hye-ya, Won Bin, Jin Ku…
Diaphana Distribution
Durée : 2h09 min
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...