“Mother!” : le chef d’œuvre de Darren Aronofsky ?
En 2017, Darren Aronofsky, réalisateur du terrifiant “Black Swan”, revient sur le grand écran pour présenter son 8ème long métrage. Sujet de nombreuses polémiques à sa sortie, le film a gagné autant de détracteurs que d’admirateurs. Découvrons ensemble ce qui se cache derrière cette œuvre du maître des films d’horreur psychologiques. Cet article se veut être une analyse du film ; une alerte spoiler est de mise. Si vous n’avez pas vu le film et souhaitez le découvrir sans analyses pré-assimilées, arrêtez la lecture ICI !
Darren Aronofsky, le mouton noir de l’industrie du cinéma
Génie ou véritable psychopathe, Darren Aronofsky a marqué l’industrie du cinéma. En passant de l’angoissant “Requiem for a Dream” à la folie terrifiante de “Black Swan”, il revient en force avec “Mother !”, un film qui se marque dans son sillon de l’horreur psychologique. Les bandes annonces l’ont présenté comme un film d’horreur, où le personnage principal tombe de plus en plus dans la folie. “Mother!” pourrait être le digne successeur de “Black Swan” mais comme son prédécesseur, ce n’est pas qu’un film sur la folie.
L’histoire de “Mother!”
Tout commence avec le visage d’une femme en feu. Un homme pose un diamant sur un socle et une maison, brûlée, revient à la normale. Une femme se réveille dans son lit et cherche son mari en l’appelant “bébé”.
Le couple vit paisiblement dans leur maison isolée. La femme, qu’on appelle Mère, s’occupe de la maison pour en faire un paradis tandis que son mari cherche l’inspiration pour son prochain recueil de poésie. Un soir un homme arrive chez eux et y passe la nuit sur invitation du poète, malgré le refus de Mère. Le lendemain, la femme de cet homme arrive à son tour. Intrusive et libertine, elle insupporte Mère. Quand le couple, admiratif du travail du poète, va se rendre dans son bureau et briser le diamant qui y est exposé, ce dernier va les chasser. Alors qu’ils sont sur le point de partir, les deux fils du couple arrivent et se battent à mort. L’aîné qui a tué son frère s’enfuit. Le poète insiste pour que la veillée funèbre se fasse chez eux, sans le consentement de Mère. Elle doit faire face à des invités de plus en plus envahissants, qu’elle chassera après un accident. Le lendemain, elle découvre qu’elle est enceinte, pour le plus grand bonheur de son mari, qui retrouve subitement l’inspiration et écrit son recueil d’une traite. Pour fêter la publication de son roman, elle organise une soirée pour eux deux, mais des fans commencent à arriver jusqu’à provoquer un chaos total. C’est dans cet enfer que Mère donne naissance à un petit garçon, qui va être tué par des fanatiques. Folle de rage, elle les attaque avant d’être lynchée par la foule. Sauvée in extremis par son mari, elle fait brûler la maison, détruisant toute forme d’humanité qui s’y trouve. Entre la vie et la mort, Mère donne son cœur à son mari, qui a survécu à l’incendie, puis meurt. Tout se termine avec lui, qui pose un diamant sorti du cœur de Mère sur un socle et la maison, brûlée, revient à la normale. Une femme se réveille dans son lit et cherche son mari en l’appelant “bébé”.
La Mère Nature
Au début du film, l’univers de Mère, sa maison, est un véritable jardin d’Eden, qu’elle a décoré dans les moindres détails. Elle se préoccupe du bien-être de son paradis, le voyant comme un être vivant. Plusieurs séquences la montrent collée aux murs de la maison, pour percevoir le cœur qu’elle semble posséder. Cette maison est vivante : quand elle est envahie par les foules, son cœur se noircit de plus en plus et son sol s’ouvre et saigne (au sens propre comme au figuré). La maison est en réalité un monde à part entière. Mère l’a créé pour des hommes, qui petit à petit vont en prendre possession et le détruire. Mère souffre quand on repeint ou abîme sa maison et il ne faut pas attendre longtemps pour que ça soit son tour.
Darren Aronofsky a lui même avoué que le personnage de Jennifer Lawrence était une allégorie de beaucoup de choses, mais surtout de la Terre :
“Je voulais faire un film qui parle de la Nature et de la façon dont nous traitons Mère Nature. Ce que j’ai constaté est effrayant : on ne la respecte pas, elle est pillée, violée et souillée.”
Quand Mère accouche, le calme revient mais les fanatiques vont accidentellement tuer le bébé, provoquant la colère de Mère qui va les attaquer. Elle est la Terre qui a donné une ressource précieuse. Les hommes l’a lui ont arraché et l’ont épuisée. Le lynchage que subit Mère représente tout ce que l’homme fait subir à la Terre : pollution, guerres, incendies, exploitations extrêmes…Néanmoins, la Terre triomphe, rappelant aux hommes que leur existence ne dépend que de sa volonté.
La Mère de la Création
Mère a aussi un rôle de Muse. A l’annonce de sa grossesse, son mari retrouve l’inspiration et écrit un recueil en quelques heures. La seule raison pour laquelle il prend soin de Mère, c’est parce qu’elle lui apporte tout ce qu’il désire : de l’amour. Être aimé du plus grand nombre, c’est tout ce que veut l’artiste. Il ne se préoccupe pas des sentiments de sa femme quand ses fans sont là et quand elle perd les eaux, il s’intéresse de nouveau à elle, ou plutôt à son fils qui va naître. Il ira même jusqu’à le lui voler pour le donner à la foule. Quand elle sera morte, il lui aura tout pris : sa vie, le fruit de ses entrailles et même son cœur. L’histoire est un cercle vicieux : obsédé par la création, le poète semble tout oublier une fois le diamant posé sur son socle. Il accepte les conséquences de ses actes, sans scrupules, et va recommencer. A la fin du film, une autre femme se réveille : c’est une nouvelle Mère, qui va surement subir les mêmes horreurs.
La dimension religieuse que revêt la création dans ce film est aussi mise en avant. Tout commence dans un paradis vierge, un Eden où tout fonctionne harmonieusement. Puis, un homme arrive. Puis une femme : un Adam et une Eve, qui vont être chassés de cet Eden après être entrés dans un endroit interdit et y avoir brisé un objet de valeur (le diamant d’une mère précédente, en ce sens, un objet de connaissance). De plus, leurs fils qui pourraient être Abel et Cain, vont se battre à mort jusqu’à ce que l’aîné tue son cadet. Lors de la veillée funèbre, un couple va abîmer la plomberie de la cuisine, provoquant un vrai déluge. L’événement va faire fuir les intrus et la paix reviendra pour quelques temps.
Puis, Mère se retrouve miraculeusement enceinte et son enfant est donné aux hommes. Ces derniers le vénèrent et acclament sa naissance en criant “Alleluyah” et “Allah Akbar”. Puis, ils le torturent et le tuent avant de pleurer sa mort et de le manger… (oui Aronofsky est connu pour être un tendre). Est-ce une allusion pour parler de la violence des propos de la Bible ou critiquer le comportement de l’Homme, pauvre créature déchue ? A vous de juger.
Une allégorie du monde moderne
Ici, nous nous consacrons exclusivement au climax du film ; quand les fans arrivent en masse et provoquent le chaos. Cette scène n’est ni plus ni moins qu’une allégorie du monde actuel, qui prend d’ailleurs beaucoup plus de sens aujourd’hui qu’à la sortie du film.
Alors que Mère a préparé un repas spécial pour célébrer la publication du recueil de son mari, des fans se mettent à arriver. Au départ, ils ne sont que cinq, mais ils arrivent en masse jusqu’à envahir la maison. Un autel de fortune est installé dans le hall d’entrée, où des gens qui parlent différentes langues se mettent à prier. Une rave party est organisée dans le salon. Mère croise un homme qui arrache les planches d’entrée d’une pièce. Quand elle lui demande pourquoi il fait ça, il lui répond seulement “Pour prouver qu’on était là !”. Cet homme, obèse, métisse et avec de longues tresses noires représente la communauté amérindienne des Etats-Unis qui aujourd’hui, continue de subir les conséquences de son Histoire. Tout ce qu’il leur reste à faire, c’est faire du bruit comme ils le peuvent pour être entendus.
Mère est témoin des vols et du pillage qui sévissent dans sa maison. Coincée dans cette foule qui commence à s’exciter, la police arrive. Mère les supplie de l’aider, mais ces derniers la plaque contre le mur, malgré ses supplications. Son mari va intervenir pour la libérer et les policiers vont les gazer. Une critique et un avant-goût des violences policières qui ont fait trembler 2020 ? Peut-être…
Des coups de feu retentissent et la foule panique. Mère fait face à des hommes à l’accent slave qui attrapent des jeunes femmes et les enferment dans une cage de fortune. En la voyant, les jeunes filles l’appellent à l’aide en criant “Maman”. Impuissante, elle se fait attaquer par un des hommes, mais jugée “impure”, il la laisse tranquille, avant d’être arrêté par la police. Dénonciation du proxénétisme ? Sans aucun doute…
Cette séquence est une véritable allégorie des maux du monde moderne qui, réunis, forment un véritable chaos, si ce n’est un avant goût de l’Enfer. Peut-être Aronofsky veut-il éveiller son public pour réaliser dans quel monde nous évoluons et à quel point la situation est désastreuse. De notre côté, ce message nous obsède toujours.
Scott Maslow a dit “Certaines personnes vont détester ce film” et il a raison. Il y a plus d’une raison de détester ce film notamment par sa virulence et sa violence, mais d’un autre côté, on en viendrait presque à se demander si Aronofsky ne se contente pas simplement de montrer la réalité crue. “Mother !“, c’est un incontournable, à voir ne serait-ce que pour s’en faire son propre avis et y voir un cri de désespoir face au monde dans lequel nous continuons d’évoluer malgré tout.
Propos de Naïs Boekholt
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