Mamoru Hosoda : retour sur l’avant première de “Belle” en présence du réalisateur
À l’occasion de la sortie française de Belle le 29 décembre, le réalisateur japonais s’est rendu à L’UGC Ciné Cité Lille le 3 décembre dernier pour présenter en avant-première son dernier film. Retour sur des échanges riches avec le public.
Mamoru Hosoda est le créateur de Summer Wars, Le Garçon et la bête ou Miraï, Ma petite sœur, ce dernier ayant été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs ainsi qu’aux Oscars dans la catégorie Meilleur Film d’Animation. Le réalisateur est pressenti pour devenir le nouveau grand maître de l’animation japonaise. Sous les applaudissements d’une salle bouleversée, Hosoda et son interprète sont arrivés à la fin de la projection pour répondre aux questions des spectateurs et aux enthousiastes de sa filmographie.
Mamoru Hosoda : “Comme vous avez pu le voir dans le film, cette histoire est fortement inspirée de la Belle est la Bête, c’est une histoire qui parle de la France au 18e siècle. J’aime ce conte depuis tout petit ; ce que j’aime le plus dans cette histoire, c’est le renversement de valeur, c’est-à-dire le personnage considéré laid au début de l’histoire finit par être considéré comme beau à la fin de l’histoire. Quand j’étais étudiant j’ai découvert la version de Jean Cocteau, puis j’ai commencé à travailler dans le milieu de l’animation et c’est là que j’ai découvert la version de Disney. Les 2 films m’ont vraiment poussé à réaliser ma version et je peux dire que j’ai mis 30 ans à réaliser ce film.”
Comment avez-vous connu Jin Kim, qui a notamment travaillé dans le studio Disney et qui a créé le personnage de Belle ?
C’est un designer de personnages extraordinaire qui a pu travailler chez Disney sur de nombreux films, dont La Reine Des Neiges, Moana, etc. On me demande très souvent si j’ai sollicité Jim Kim pour avoir la “touche Disney” ; la réponse est non, je voulais la touche de Jim Kim ! C’est lui qui a renouvelé le style de Disney. Il est l’un des artistes les plus talentueux de son temps et c’est pour cela que je voulais travailler avec lui.
Je trouve cela très intéressant de voir et faire un film international avec une bande-originale française, un designer de personnages américain et le réalisateur japonais ; vous ne trouvez pas que c’est drôle ?
Une thématique déjà présente depuis le film Digimon War Game et qui est revenue en force avec Summer Wars est l’idée touchante qu’à l’aube d’Internet, et avant même qu’il ne se démocratise, cette entité ralliait les gens, les unifiait. C’est quelque chose de très humain et aujourd’hui vous revenez dessus avec Belle, mais à une époque où Internet s’est beaucoup plus démocratisé et où les réseaux sociaux sont accessibles à tous. L’impact des technologies actuelles vous aurait-il chamboulé ou même poussé à faire ce film ? Cela vous a-t-il rendu plus optimiste ou pessimiste ?
Il y a beaucoup d’autres réalisateurs qui parlent d’Internet dans leurs films. Cependant, très souvent, quand ils abordent le monde virtuel et les réseaux sociaux, ils en parlent comme s’il s’agissait d’une sorte de dystopie. Je comprends très bien les côtés négatifs et je comprends très bien l’envie de faire une critique de nos civilisations, toutefois personnellement, je n’aime pas trop critiquer tout le temps. Certains disent qu’Internet est un monde de “faux” et qu’à l’inverse, le monde réel est un monde de “vrai”, mais je ne suis pas d’accord. Je trouve qu’il est excessif de dire ça et, de toutes façons, la jeune génération vit avec Internet. Internet fait partie de leur vie, c’est ça la réalité, il faut l’accepter. Je voudrais surtout encourager ces jeunes pour qu’ils puissent utiliser ces outils d’une façon positive, mais avant tout je voulais apporter l’espoir à ces jeunes. Quand j’ai réalisé Digimon, c’était aussi pour apporter l’espoir à la jeune génération et surtout aux enfants. Cette envie d’encourager les jeunes n’a absolument pas changée en 20 ans. Il est vrai que dans les réseaux sociaux il y a le harcèlement, les fake news… je pense malgré tout qu’il y a des côtés bénéfiques.
Dans Summer Wars il y a le monde d’Oz, dans Belle il y a celui de U, la sphère du concert rappelle également la fin du film Digimon. Ces trois mondes virtuels sont-ils liés ?
Je pense vraiment qu’il y a une continuité entre ces trois films. En 20 ans, Internet a beaucoup évolué et je voudrais à chaque fois faire une sorte de mise à jour du monde d’Internet. Ceci explique pourquoi on retrouve des points communs entre U et le monde d’Oz. J’observe attentivement cette évolution et je voulais montrer cette continuité.
Le documentaire de Pascal-Alex Vincent, Satoshi Kon, L’illusionniste va bientôt arriver en France et vous allez faire une apparition. Satoshi Kon a-t-il influencé la création de ce film ?
Je ne dirai pas que j’ai été influencé par Satoshi Kon, il est plutôt une sorte de collègue ou de camarade. Nous avons travaillé à la même époque au sein du même studio. Un autre point commun entre nous deux, c’est que nous avons tous deux adaptés des œuvres de Yasutaka Tsutsui, lui a fait Paprika et moi La Traversée du temps. Dans le documentaire, je parle de cet échange et je montre beaucoup de respect pour son travail. Je vous invite vivement à découvrir ce documentaire. D’ailleurs pour parler de Satoshi Kon, le directeur artistique des séquences du monde réel de belle (Nobutaka Ike) a longuement travaillé comme directeur artistique des films de Satoshi Kon. Il a fait cette fois ci un travail extraordinaire et j’ai été encore une fois très surpris du talent du directeur artistique de Satoshi Kon, monsieur Ike.
Dans Mirai et Les enfants loups, la thématique de la famille est au premier plan et on retrouve dans Belle le même thème de décès parental. Était-ce quelque chose qui vous tenait à cœur personnellement ?
Si j’ai réalisé Les Enfants loups, c’est parce que je venais de perdre ma mère. Suite à son décès j’ai eu beaucoup de regrets, car je pensais ne pas avoir fait assez de choses pour elle ; après sa mort, j’ai réfléchi à tout ce que ma mère m’avait donné. J’avais 35 ans et même si j’étais adulte, je pense que pour tout le monde, perdre sa mère est quelque chose de très douloureux. Aujourd’hui j’ai 2 enfants, un de 9 ans et l’autre de 5 ans et tous les jours, quand je les regarde, je constate combien leur mère a une place importante dans leur vie. Si un jour ma femme n’était plus là, ce serait catastrophique pour les enfants. Dans le film Belle, Suzu passe un moment très difficile suite à la mort de sa mère, mais malgré cette douleur, j’ai voulu qu’elle devienne tolérante et gentille et c’est comme que j’ai créé ce personnage.
Dans Les Enfants loups, il est question de relation en l’homme et l’animal, dans le garçon et la bête également et donc dans Belle, il est question de relation entre l’humain et la bête. Quelle est l’importance que vous donnez à ces relations, à la bestialité ?
Si je montre autant d’animaux comme la baleine ou le loup, c’est parce que je préfère les animaux aux êtres humains ! Dans mes films, on voit très souvent la baleine et je pense qu’elle est un très bon exemple. On crée l’image de cet animal, par exemple dans Moby Dick, elle est décrite comme une sorte de mal alors qu’aujourd’hui la baleine est devenue le symbole de la protection des animaux. La baleine n’a pas choisi son image, c’est l’être humain qui en a décidé. Au Moyen Âge, nous chassions les loups alors qu’ils n’avaient rien fait de mal. C’est toujours les Hommes qui ont conçu la représentation des animaux comme ils la voulaient. Chaque fois que je vois ces animaux victimes, je voudrais vraiment les défendre et parfois quand je regarde les animaux, je trouve qu’ils ressemblent aux humains tandis que certains Hommes, eux, sont inhumains !
Propos recueillis par Raphaël Lefebvre
Articles liés
MINIATURE : l’expo événement pour les 10 ans de la Galerie Artistik Rezo
La galerie Artistik Rezo et FIGURE s’associent pour présenter la troisième édition de l’exposition MINIATURE : un événement unique en son genre à l’occasion des 10 ans de la galerie. Cette édition réunit plus de 80 artistes français et...
Justice livre un show explosif et festif à l’Accor Arena de Paris Bercy
Ce mardi 17 novembre 2024, après une première partie orchestrée par Pedro Winter, boss du label Ed Banger, Justice a électrisé une salle pleine à craquer, première date des deux soirées prévues à Paris, chez eux, à domicile. La...
Marion Mezadorian pète les plombs au Théâtre Victor Hugo
Avec son précédent “one woman show”, Pépites, Marion Mezadorian a défrayé la chronique. Dans la même veine, celle d’une performance scénique où l’humour le dispute à l’émotion, cette nouvelle création donne la parole à celles et ceux qui craquent...