Mammuth – Gérard Depardieu
Tendre et lourdaud. Avec ce rôle de benêt affectueux dans lequel il excelle, Gérard Depardieu impose littéralement son personnage au film. Un tableau très cru s’installe dès les premières scènes : les plans figés, rapprochés, et la lumière forte, brutalisent une masse graisseuse et poussive qui encombre l’écran. A l’aube de sa retraite, cet ogre bourru à la longue chevelure, sorte de Mickey Rourke défraîchi, souffletant, tourne comme un lion en cage.
C’est le besoin financier et la vigilance de sa femme (extraordinaire Yolande Moreau) qui le sortent de cette torpeur. Peu discipliné dans sa gestion administrative, Serge doit réunir des papiers concernant ses anciens emplois afin d’assurer sa vie post-professionnelle. Commence alors une chevauchée délurée, au guidon du bolide qui donne son titre au long-métrage : une Munch Mammuth, moto des années 1970.
Isabelle Adjani spectrale et placide
Aucune concession n’est accordée à Serge pendant son parcours. Tout est aigreur et rudesse. De la buvette désaffectée donc inutile à la véhémence des nouveaux employés, en passant par une auto-stoppeuse sans scrupules (Anna Mouglalis) ou un plagiste emphatique (Benoît Poolvoerde). Ce voyage non-initiatique, a priori dénué d’obédience nostalgique, s’avère pourtant hanté par un souvenir ectoplasmique. Isabelle Adjani, sanguinolente et balafrée, regard bleu fixé au loin, apparaît ainsi comme une réminiscence spectrale et placide.
Le duo grolandesque de Canal +, Benoît Delépine et Gustave Kervern, signe avec « Mammuth » son quatrième film. Fidèles à leur esprit satirique trash et absurde, les réalisateurs de « Louise Michel » dépeignent une fresque sociale qui atteint son apothéose lors de retrouvailles familiales, propices à un onanisme bilatéral et homosexuel. Loin de la moquerie, ce réalisme amer et loufoque couvre de bienveillance une population désarmée face à la violence de la société.
Innocent dans son entêtement, d’une délicatesse maladroite, le personnage de Gérard Depardieu incarne « Mammuth » : légèrement poussif, flirtant avec la folie, mais d’une admirable tendresse.
Cyril Masurel
Mammuth
De Benoît Delépine et Gustave Kervern
Avec Gérard Depardieu, Yolande Moreau, Anna Mouglalis, Isabelle Adjani, Miss Ming, Benoît Poelvoorde.
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Sortie le 21 avril 2010
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