Ma Belle gosse – comédie dramatique de Shalimar Preuss
Maden a 17 ans. Cet âge ingrat de l’adolescence où l’on fait tous des conneries comme le lui dit si justement son père. Pas franchement frondeuse, elle a plutôt tendance à s’enfermer, s’isoler dans l’hypothétique attente d’un courrier du prisonnier avec lequel elle entretient en cachette une correspondance et qu’elle espère rencontrer sur cette île de Ré elle passe ses vacances à quelques encablures de la prison il est détenu.
Le fil conducteur sera l’isolement, dont la cinéaste va filer la métaphore tout au long de son propos. Son premier long métrage joue en effet cette partition, tant dans le choix du décor (l’exigüité d’une île) que dans le filmage de son personnage principal. Maden, à laquelle la jeune Lou Aziosmanoff donne à la fois beaucoup de vie et de mystère, ne cesse d’ériger des murs autour d’elle, de s’enfermer dans son secret comme pour être à la fois plus proche de son étrange compagnon épistolaire et pour se préserver des coups de cette vie adulte qui s’ouvre à elle, même si elle n’y a pas encore vraiment de légitimité (ainsi que l’exprime avec un cruel réalisme la séquence dans la prison).
Mais rien n’est jamais systématisé, pas plus ce thème récurant que ce qui forge l’ossature dramaturgique du sujet. C’est en fait avec un souci de réalisme, pour ne pas dire de naturalisme, que la cinéaste filme ses protagonistes, les laissant souvent livrés à eux-mêmes (ou supposés comme tels…). Avec une infinie économie de moyens et de mots (peu de choses vraiment importantes sont dites, comme dans la vie de tous les jours en somme…), les personnages nous laissent entrer dans leur histoire. Le pouvoir de l’image joue à plein régime. Plus dans la suggestion que la démonstration, la scénariste divulgue par touches quasi pointillistes ce qui constitue la trame de son récit mais comme si au fond l’essentiel était ailleurs. A l’inverse de Sandrine Veysset dans « Y’aura-t-il de la neige à Noël » dont tout l’enjeu se définit dans l’ultime séquence, Shalimar Preuss, en divulguant par doses homéopathiques ses éléments narratifs, (ré)amorce sans cesse l’intérêt du spectateur. Une tension crescendo se fait rapidement sentir, les paysages n’ayant d’idyllique que le nom.
Un travail remarquable est d’ailleurs fait sur le son qui distille son lot d’inquiétudes diffuses (le vent, le ressac des vagues, les bruits de la maison) autant que les regards, les non-dits, les messages sibyllins. Fortement aidée par une équipe artistique solide (Jocelyn Lagarrigue en tête dans le rôle du père), la cinéaste capte avec acuité cet âge transitoire, jouant sans cesse sur la corde raide, laissant faussement tomber son spectateur pour mieux le rediriger au gré de sa narration. Une déambulation qui finit par nous être familière, à l’instar de tous ces personnages pas si éloignés que ça de nos quotidiens.
Franck Bortelle
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Ma belle gosse
De Shalimar Preuss
Avec Lou Aziosmanoff, Jocelyn Lagarrigue et Victor Laforge
Durée : 80 min.
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