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Lucas Boubel : “Tout le monde doit se saisir du sujet sinon on va rentrer dans le triangle de l’inaction”

"Les assises de l'Éco-production" © Ecoprod

Dans le cadre de la semaine thématique “Comment la culture change le monde” animée par La Poursuite du Bleu, les étudiants de 5e année de l’ICART ont accueilli plusieurs professionnels engagés dans l’écoproduction au cinéma. Lucas Boubel est carbone manager chez Ecoprod.

Bonjour Lucas, pouvez-vous nous parlez de votre parcours et de votre rôle au sein d’Ecoprod ?

J’ai fait une licence sciences audiovisuel et média numérique à l’université polytechnique des Hauts-de-France, j’ai continué mes études là-bas en intégrant un master en ingénierie des systèmes images et sons. J’ai commencé par des formations très scientifiques mais j’ai décidé de me tourner vers le cinéma. J’ai rejoint Ecoprod en avril 2023. Chez Ecoprod je suis expert carbone, je suis chargé de gérer Carbon’Clap. C’est un outil gratuit qui permet de calculer l’empreinte carbone avec une expertise technique spécifique, une œuvre audiovisuelle, cinématographique ou publicitaire, j’aide également les producteurs et les techniciens à adopter des méthodes de production durable.

Quelle est la démarche d’Ecoprod ?

Nous avons pour mission de fédérer les acteurs de l’audiovisuel pour promulguer des pratiques environnementales vertueuses de production. Ecoprod offre un terrain neutre, un dialogue, pour aborder ces problématiques et discuter ensemble. Notre deuxième mission est de sensibiliser sur l’impact environnemental du secteur et donner les différents leviers pour agir. Le but est d’équiper les professionnels de fiches pratiques de ressources documentaires et des outils. Cependant, si aujourd’hui, on mesure une œuvre avec Carbon’Clap et avec Albert (l’outil de la BBC en Angleterre) on n’obtient pas du tout le même résultat. C’est problématique car il faudrait que l’on puisse donner le même résultat pour réduire l’impact carbone.

Certains producteurs font face à des obstacles lors de tournages et dépassent leur bilan carbone prévisionnel. Comment est-ce que cette réalité est perçue par l’association ?

Un tournage c’est une multitude d’imprévus, c’est assez délicat de tout anticiper. Le bilan prévisionnel d’un projet est très peu réaliste. On peut faire face à des retards de train, des coursiers à envoyer en urgence…. Aujourd’hui ce n’est pas pénalisé de ne pas remplir ses objectifs, parce que la réalité est telle et qu’il est difficile de mettre en place l’écoproduction.

De manière générale, comment s’inscrit l’écologie dans l’audiovisuel ?

Aujourd’hui, l’audiovisuel c’est 1,7 million de tCO2éq. par an. En tant que secteur culturel, on a de gros enjeux de communication, on embarque des imaginaires et on crée un futur désirable pour le public. Lorsqu’on décompose chaque étape de la vie d’un film, on se rend compte que 58% de l’impact carbone est dans le streaming, alors qu’on s’attarde sur l’empreinte de production (Étude “Environnement et Climat : De nouveaux enseignements pour les acteurs audiovisuels”). Ça ne veut pas dire pour autant qu’il faut abandonner nos efforts sur la production.

Depuis septembre, Ecoprod s’engage dans le streaming responsable. Quel est l’impact du streaming sur l’écologie et à quoi ressemble une alternative responsable ?

Un prestataire de streaming responsable va limiter la qualité vidéo à un certain seuil puisqu’on n’a pas besoin de streamer une qualité vidéo extrêmement élevée. La bande passante et la quantité de données échangées sur Internet sera donc limitée, ce qui va réduire la consommation d’électricité. Aujourd’hui, les plateformes poussent à la qualité et ont certains prérequis techniques quant à la qualité de l’image de leurs films. Chez Ecoprod, on pense qu’il faudrait limiter à l’usage le niveau de qualité, et adapter le contenu à son mode de diffusion. Par exemple, si vous avez tourné un film pour le cinéma, le niveau de qualité ne devrait pas être le même que si vous tournez un documentaire pour la télé. Il faut interroger les modes de diffusion au regard des impacts.

Est-ce qu’il y a une généralisation de l’éco-production en France ?

Les œuvres éco produites ne sont pas majoritaires au sein du secteur. En revanche, c’est intéressant de voir à quel point le secteur a évolué. Par exemple, l’an dernier en décembre 2022, Ecoprod organisait la première édition des Assises de l’éco production (Assises de l’éco-production (ecoprod.com)), beaucoup de professionnels du secteur étaient réticents à nos propositions de leviers d’actions. Un an plus tard, ça ne n’impressionne plus personne de faire un bilan carbone. On forme essentiellement des personnes curieuses et sensibilisées au sujet. À l’avenir on aimerait étendre l’éco production à des projets qui ne sont pas encore sensibilisés, comme des productions de grandes comédies françaises populaires.

Quels sont vos prochains objectifs pour les années à venir ?

L’objectif premier serait de réussir à renouveler les ressources mises à disposition sur notre site. Ces ressources évoluent continuellement et dès qu’on sort un guide, il est aussitôt obsolète parce qu’il trace un état des lieux du secteur à l’instant T. On cherche à renouveler ces guides pour intégrer les nouvelles pratiques. Un autre objectif important serait de mettre des statistiques du secteur. Comme le secteur s’est mis de manière plus intensive dans la démarche carbone, on veut commencer à mieux comprendre le secteur et émettre des statistiques plus détaillées à ce sujet. Après quoi, il y a une ambition à l’échelle plus européenne et idéalement ce serait d’harmoniser des méthodologies pour que des co- productions internationales puissent être également mesurables de la même manière.

“Les assises de l’Éco-production” © Ecoprod

Propos recueillis par Camille Bougerol, Clarisse Caboche et Maëlle Haye

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