Los Silencios – un film de Beatriz Seigner
On connaît – plus ou moins – le sort des migrants en Europe de l’Ouest. C’est à une autre découverte que le film de Beatriz Seigner nous convie ici : celle d’une famille qui fuit les affrontements colombiens pour le havre d’une petite île – Fantasia.
Loin de la renommée quelque peu étouffante d’Ingrid Betancourt, ce sont les souffrances du commun des Colombiens qui sont évoquées ici. Notons d’emblée que ces derniers sont logés à la même enseigne que les paramilitaires, les familles que nous suivons cherchant avant tout à retrouver la paix.
Mais, bien entendu, l’intégration dans leur nouveau lieu de vie ne se fait pas sans heurt. Bien qu’ils parlent la langue de leur terre d’accueil, et qu’ils se trouvent finalement peu exposés au racisme, les personnages que nous suivons connaissent la misère et les difficultés des procédures administratives.
Complication supplémentaire : Fabio, le fils de la famille, dont les bulletins scolaires étaient si bons en Colombie, semble farouchement déterminé à n’en faire qu’à sa tête. Le voilà qui refuse de plus en plus l’autorité de sa mère et qui se mêle précocement à une bande d’adolescents désœuvrés. À côté de ses provocations, sa sœur Nuria semble traverser le film comme une barque vogue sur l’eau : toujours muette, le visage grave et penché, son attitude intrigue le spectateur.
C’est donc elle qui, de personnage apparemment marginal qu’elle était au début, nous mènera d’un bout à l’autre de l’île de Fantasia. Et, progressivement, c’est une île bien différente que celle de la pauvreté qui se révèle : celle de la magie et du mystère.
Merveilleusement filmé par une caméra qui fait la part belle aux ombres et à la lumière, ce long métrage entend nous interroger sur notre rapport au monde et à ce qui nous semble vrai. Cet univers réaliste qu’était Fantasia devient bientôt celui de l’imagination et des fantômes, d’une réalité complexe où l’on ne distingue plus vraiment qui est, de qui n’est plus.
Un film qui parvient formidablement à rendre compte d’une réalité sociale peu connue en France tout en nous plongeant dans un monde fantastique.
Julia Wahl
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...