L’Homme qui viendra – film de Giorgio Diritti
1943 dans le nord de l’Italie. Dans une campagne retirée où l’on vit essentiellement des produits de la terre, les habitants entendent parler de la guerre sans qu’elle ne soit vraiment une réalité. La menace nazie va finir par se faire bien réelle et d’une manière des plus atroces. Parmi les habitants, Martina, gamine de 8 ans devenue muette après la mort de son petit frère, réussit à échapper aux griffes des assaillants qui vont se livrer à ce que l’Histoire a nommé « les massacres de Marzabatto ».
Pour ne pas s’enferrer dans une outrancière héroïsation de leurs personnages (là n’étant pas du tout le propos), les scénaristes ont choisi pour élément central une enfant de huit ans, muette de surcroit. L’antihéros par excellence dans ce monde bavard et adulte. Car même si elle agit beaucoup ainsi que le veut la définition souvent galvaudée du héros, Martina, par son apparente fragilité et son innocence absolue, ne le fait que de manière instinctive, quasi animale, en enfant sauvage qu’elle est presque. Mais toujours au nom de la vie, à l’inverse de la petite Paulette de « Jeux interdits », à laquelle on songe inévitablement. Cette vie qu’il faut maintenir et que symbolise le nourrisson qu’elle porte, là où la petite incarnée par Brigitte Fossey dans le film de Clément traînait avec elle un chien mort. C’est donc bien d’urgence de vivre dont il est ici question.
Cet état d’urgence va se lire à deux niveaux tout au long du film. Il s’agira tout d’abord de cette vie quotidienne scandée par les gestes répétés et mécaniques sans lesquels il n’est point d’existence possible. Rusticité des décors, des costumes, langue locale que même un italianophone pourra peiner à pleinement capter, emprise tenace du religieux. Un peu à la manière d’Ermano Olmi avec « L’Arbre aux sabots », Giorgio Diritti se livre à une chronique paysanne du nord de l’Italie dans les années 40. Le second niveau de cet état d’urgence sera bien sûr celui provoqué par le conflit. De la vie à la survie, donc. Le récit prend alors une toute autre coloration. Le constat ethnologique va céder la place à la barbarie perpétrée par les troupes nazies, dans ce pays dont on oublie facilement qu’il fit scission avec l’Allemagne en 1943. Le propos devient alors universel, la cruauté n’ayant plus de langue, plus de frontière surtout quand elle atteint de tels paroxysmes.
Ce réalisme brut et même brutal annihile toute forme de sentimentalisme. L’absence de toute empathie individuelle (même pour la gamine) n’en fera que mieux naître une collective face à l’injustice insoutenable vécue par les personnages. Même si les scènes les plus pénibles sont accompagnées d’une musique à la limite du mélo, cette dernière ne plombera jamais le sujet comme le feraient les envolées dégoulinantes de John Williams pour l’insupportable « Schindler’s list ». Ce juste équilibre donne toute sa force à la fin du film et même si les premières minutes patinent un peu, le récit trouve rapidement son rythme et réussit à nous embarquer dans cette tragédie tellement locale qu’elle en devient universelle. Un très beau travail qui rend au cinéma transalpin quelques jolies lettres de noblesse et que mènent d’excellents comédiens, en particulier la jeune Greta Zuccheri Montarani qui crève littéralement l’écran.
Franck Bortelle
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L’Homme qui viendra
De Giorgio Diritti
Avec Maya Sansa, Alba Rohrwacher, Eleonora Mazzoni et Greta Zuccheri Montarani
Durée : 115 min.
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