L’homme de Londres de Béla Tarr
Un regard magistral sur la condition humaine
Dans ce dernier film, L’homme de Londres, on retrouve toute la beauté esthétique de Béla Tarr. C’est un cinéma qui caractéristiquement appartient au cinéma dit d’auteur, dans lequel le cinéaste développe le réalisme social entre laconisme et esthétiques visuelles.
L’homme de Londres est une adaptation éponyme du roman de Simenon. Béla Tarr entreprend en 2003 la création de ce film en montant sa propre société de production visant dit-il à « produire des films qui cherchent à renouveler le genre cinématographique ». Et c’est en Corse, que le cinéaste souhaite tourner son film. Sur le vieux port de Bastia, va alors s’inscrire sur pellicule une histoire brumeuse où la virtuosité des plans nous emprisonne dans l’image.
Béla Tarr développe depuis quelques années un genre cinématographique unique, tourné vers l’expérience de la lenteur, il nous emporte dans un monde expérimental. Cette lenteur est propre à tous ces films, et si certains trouveront de l’ennui en cela, c’est qu’il peut parfois être un cinéma difficile d’accès pour les amateurs. Loin des codes du cinéma grand public actuel, que le spectateur gobe à la sauce américaine ou pire encore à la prose puérile du comique français, le cinéaste hongrois nous offre des expériences uniques où le spectateur devient cobaye ébloui par la beauté du geste et de la forme. Ainsi, les performances cinématographiques de Béla Tarr restent exceptionnelles dans l’industrie de cinéma. L’une de ces œuvres les plus emblématiques reste Satantango, d’une durée de sept heures.
Mais avec L’homme de Londres, Béla Tarr reste plus modeste face à cette expérience. Dans la tour d’un port, Maloin surveille les va-et-vient des bateaux. Le silence du film devient emblématique et donne corps à l’observation du personnage. Mais un jour, Maloin est le témoin d’un meurtre et devient involontairement complice d’un vol.
Cette histoire montre les états de conscience d’un homme sans but, pour qui la dureté et la vacuité sont son quotidien. Un regard magistral sur la condition humaine filmé en noir et blanc.
Préférant le regard de la caméra sur les êtres qu’il filme, à leurs paroles, Béla Tarr construit son film de longs et lents travellings parmi lesquels viennent s’interposer de somptueux gros plans venant défigurer les personnages de leur propre tristesse et mélancolie.
Outre la performance esthétique et cinématographique de Béla Tarr, le film est également incarné part le talent immesurable des acteurs. Le comédien Miroslav Krobot remplit de tristesse et de fatalité son interprétation de Maloin. La performance de l’actrice Tilda Swinton (qui incarne la femme de Maloin) est majestueuse.
Du film à la littérature
Les Editions Shellac qui distribuent l’édition française de L’homme de Londres de Béla Tarr nous proposent un coffre auquel vient se joindre en plus du dvd du film, l’ouvrage de Simenon.
Passer du film au livre est une très bonne idée qui permettra de découvrir ou redécouvrir l’un des ouvrages les moins connus de l’auteur.
Livia Colombani
L’homme de Londres
De Béla Tarr
Ed. Shellac Sud
Sortie DVD le 8 septembre 2010
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