Les mains en l’air – Romain Goupil
Le titre, enfantin, donne le ton. Le prologue et l’épilogue – nous sommes en 2067, une vieille dame se souvient de ce qui lui est arrivé soixante ans auparavant – inscrivent l’ensemble dans la fable. D’emblée, en somme, Romain Goupil impose une distance. A la fois naïve et légère. Car le sujet de son film, Les mains en l’air, n’est pas des plus sémillants : la politique de reconduite à la frontière des sans-papiers, dans la France d’aujourd’hui, est, en effet, davantage jalonnée d’angoisses et de drames, que de jeux ou de sourires…
Loin de l’émotion littérale de Welcome (le dernier long métrage de Philippe Lioret, avec Vincent Lindon), de ses prises de position concrètes et didactiques, le cinéaste de Mourir à 30 ans opte, donc, pour une indignation sensible mais décalée. Plutôt que de stigmatiser le comportement des adultes, selon qu’ils soient anti ou pro-régularisation, l’ex-trotskyste toujours en mal d’utopie choisit d’épouser le point de vue d’une bande de gamins parisiens.
Blaise, Alice, Claudio, Ali, Youssef – ils ont entre 9 et 11 ans – après que l’un d’entre eux est expulsé, décident ainsi de se mobiliser pour leur copine Milena (la narratrice âgée du début, qui a 10 ans elle aussi en 2009), d’origine tchétchène et sans papiers, en fuguant avec elle dans leur cachette secrète. Inquiétude des parents, cohésion des enfants, mise en perspective de ces deux univers, et petites touches d’humour en dépit de la gravité des événements : le parti-pris fonctionne assez bien, en dépit de ses approximations (la scène d’interrogatoire musclée dans le commissariat, totalement irréaliste). Nul chantage à l’émotion, ni même à la sensiblerie (les bouilles de gosses, tellement mignons…) : c’est déjà ça !
Génération 68…
D’où vient, malgré tout, que l’on n’accroche pas totalement à cette proposition solidaire ? Sûrement pas de Valeria Bruni-Tedeschi. Son émotivité, entre instinct et révolte, sert très justement le propos. Et le fait qu’elle soit devenue la belle-sœur de Nicolas Sarkozy dans “la vraie vie”, sans y être pour rien de toute évidence, ajoute encore à l’ironie douce qui pointe ça et là… Sûrement pas, non plus, des dialogues (neutres, débarrassés des expressions racoleuses estampillées “djeunes”) ni des cadres (serrés) : ces 400 coups en forme de serment exhaleraient presque un petit air de Truffaut. En moins dense, en plus relâché néanmoins. Et c’est peut-être là que se perd ce conte, in fine. Dans la naïveté appuyée, donc un peu ennuyeuse, de son scénario.
Tel quel, en tout cas, Les mains en l’air nous renseigne sur le malaise d’une bonne partie de la “génération 68”. Ce petit film fauché, assez raccord avec l’idée que l’on se fait d’un cinéma de contrebande, ne dit pas autre chose, au fond, que “Recherche groupe désespérément”. Le hic, c’est que l’on ne sait pas si l’on doit trouver touchant, ou triste, le fait que Romain Goupil désigne l’enfance comme seul espace possible, désormais, pour atteindre ce que sa génération a toujours cherché (mais perdu) : à savoir la notion de “collectif”.
Ariane Allard
Les mains en l’air
De Romain Goupil
Avec Valeria Bruni-Tedeschi, Linda Doudaeva et la participation de Hippolyte Girardot.
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Sortie le 9 juin 2010
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