Les Lendemains – drame avec Pauline Parigot
Le bac en poche, Audrey part à Rennes en fac de psycho, laissant sa meilleure amie qui a échoué, sa famille et son boy-friend. L’arrivée dans la « capitale » régionale va s’accompagner de rencontres et de prises de conscience, politique notamment, jusqu’au jour où elle tombe sur un groupe de squatters qui lui proposent une vie radicalement différente…
Entre l’adolescence attardée et le très jeune âge adulte, les années de fac pourraient constituer une époque à part entière de notre existence. Epoque finalement assez peu traitée dans le cinéma, si l’on exclut les myriades de productions, notamment américaines, où l’on fait rimer « fac » et « fuck », comme si l’alibi de la libido pouvait à lui seul justifier le crétinisme ambiant de ce type de films. L’une des grandes réussites de ces Lendemains tient dans l’évitement total opéré par la cinéaste et scénariste à nous ressasser du déjà vu et entendu. Non, les étudiants ne sont pas tous des tarés du cul ni des drogués passant leur vie à pioncer en cours et à se torcher le reste du temps, semble nous dire Bénédicte Pagnot dont c’est le premier film. Elle va au contraire dresser le portrait d’une fille tout ce qu’il y a de plus normal et qui va vivre des choses qui vont se heurter à cette normalité.
C’est en effet la vraie jeune fille rangée que campe avec une phénoménale présence la jeune Pauline Parigot. Pas au sens beauvoirien, certes, les choses ayant évolué depuis la vénérable Simone. Sexualité, tabagisme s’adjoignent au désir d’une émancipation assumée, d’un affranchissement de l’autorité parentale, d’une existence normative et d’une vie en morose. Chômage, déréliction sociale, marasme financier sont autant de points qui vont déstabiliser le personnage et faire dérailler son train-train quotidien. D’où le discours politique séduisant des syndicalistes puis celui, plus radical encore, des squatters. Une escalade qui trouvera son acmé dans une séquence où la tentative de faire machine arrière se révélera impossible et suicidaire. Reste alors à avancer vers les lendemains du titre…
La scénariste et cinéaste va droit à l’essentiel, jouant sur une économie de mots, laissant parler les regards et les visages. Beaucoup de gros plans donc, rien de maniériste dans le maniement de la caméra qui préfère s’attarder sur les physionomies silencieuses que de se livrer à des explications superfétatoires. C’est du cinéma brut qu’une excellente gestion des ressorts dramatiques et du potentiel des comédiens rend à la fois d’un réalisme absolu et d’un humanisme attachant. Cette histoire de chrysalide qui va bientôt sécher ses ailes au vent de la liberté avec le risque aussi de se les bruler au soleil de cette nouvelle vie marquera le spectateur durablement par sa profonde sincérité, son ancrage dans notre quotidien plus que par des effets ronflants. En ce sens, Bénédicte Pagnot réussit une magistrale entrée dans la cour des grands…
Franck Bortelle
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Festival Premiers Plans d’Angers 2013 (du 18 janvier au 27 janvier)
- Prix du Public
Les Lendemains
De Bénédicte Pagnot
Avec Pauline Parigot et Pauline Acquart
Durée : 115 min.
Sortie le 17 avril 2013
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