0 Shares 1709 Views

Les Césars 2021 – Critique d’un Divan à Tunis de Manele Labidi

Victor Ribeiro 4 mars 2021
1709 Vues

La Cérémonie des Césars aura lieu le 12 mars 2021. À l’aube d’une édition particulière marquée par la crise sanitaire, nous avons décidé de vous offrir un tour d’horizon des films nommés ainsi que nos favoris. Installez-vous confortablement car, pour cette première escale, nous nous installerons sur Un divan à Tunis !

Sorti initialement en février 2020, le film a fait les frais d’une pandémie mondiale que l’on connait tous. Manele Labidi, pour son premier essai derrière la caméra, nous propose sa vision de la Tunisie post-révolution à travers le personnage de Selma, incarnée à merveille par Golshifteh Farahani. La copine d’Adam Driver dans Paterson joue une psychanalyste retournant dans son pays natal pour exercer. Se trouvant inutile à Paris, elle cherchera à retrouver une place parmi les siens à Tunis. Une opposition se mêlera ainsi entre son mode de vie occidental, fumeuse célibataire de 35 ans, et le mode de vie encore traditionaliste de la Tunisie.

L’œuvre de Labidi est profondément douce et honnête. Là ou le discours aurait pu admonester le mode de vie tunisien, il n’en est rien. On parle d’adaptation et l’on cherche profondément à comprendre cet écart culturel. Néanmoins, certains problèmes sont pointés du doigt comme l’administration qui a l’air profondément sclérosée et fainéante, les mœurs encore arriérés, en façade, ou la justice aveugle par instant. Cette dichotomie, entre compréhension et jugement aveugle, est représentée par le personnage de Selma.

Elle est psychanalyste. Elle se met en retrait pour laisser la place à ses patients, les écouter et comprendre leurs névroses. A fortiori, elle fait de même pour l’intégralité du film. Son personnage est suffisamment neutre et en retrait pour que le spectateur s’identifie mais tire ses propres conclusions en toute autonomie. Elle est un prisme entre la diégèse et le public. Lorsqu’elle foule la terre tunisienne, elle embarque le public, explique sa situation puis lui laisse le soin d’observer à sa guise. Nous comprenons que cela puisse être un frein car elle semble être inexpressive et vide, mais cette direction d’acteur va de pair avec l’intention de Manele Labidi. Elle cherche à nous faire voyager, l’histoire n’en devient que secondaire. Pendant un peu moins d’une heure et demie, nous sommes baladés au gré des intrigues secondaires pour découvrir quelques facettes de Tunis.

De surcroît, à l’instar d’un Woody Allen dépeignant New York via des personnages haut en couleurs, Manele Labidi nous personnifie Tunis grâce aux portraits de ces habitants. Mêlée à une réalisation sobre mais diablement efficace, cette douce satire saura redorer son blason grâce aux Césars 2021. C’est notre favori pour le meilleur premier film, nous aurons été les premiers à vous le dire.




Victor Ribeiro

Articles liés

“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
Agenda
123 vues

“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune

A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...

“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Agenda
110 vues

“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins

Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...

La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Agenda
109 vues

La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”

Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...