L’Ecume des jours – film avec Audrey Tautou et Romain Duris
Rester dans l’esprit du roman qu’on adapte, à défaut d’en respecter scrupuleusement la matrice narrative qui fige tant de détails dont on a finalement cure ne serait-il pas la clé qui fermerait à tout jamais le gueuloir des éternels insatisfaits dès qu’un cinéaste ose s’aventurer dans ce périlleux exercice de la transposition ? Michel Gondry dont l’univers depuis près d’une dizaine de fictions n’a cessé de se sophistiquer, de multiplier les dérapages contrôlés les plus fous, se devait d’aborder Vian un jour. C’est chose faite !
Le résultat va probablement diviser. Pourtant, on ne saurait reprocher au cinéaste d’avoir réussi là où tant d’autres ont échoué en parjurant ignoblement un matériau littéraire incompris (ne citons que David Lean et sa catastrophique adaptation du Docteur Jivago de Pasternak). A une folie, Gondry a non point substitué mais ajouté la sienne. Visuellement, le travail est renversant. On ne pourra en une seule projection dénombrer tout, voir tout, tout mesurer. D’autant que ces deux heures invitent d’abord au rêve dont la science gondrienne peut se prévaloir de détenir une véritable quintessence.
L’histoire, tout le monde la connaît et même si elle ne se fait pas oublier, elle passe parfois en second plan. Colin et Chloé se rencontrent et s’aiment mais Chloé atteinte d’un mal incurable finira par mourir. De la liesse à la poisse, de la comédie loufoque à la tragédie existentielle. Le glissement va s’opérer avec une infinie délicatesse. En même temps que rétrécissent le décor et l’espoir, la couleur s’estompe, laissant place à un noir et blanc mortifère d’une confondante beauté. La débauche d’effets alliant l’animation et l’inventivité délirante du cinéaste va également se faire plus discrète sans disparaître totalement, la vie et surtout l’amour reprenant le dessus. Or chez Vian comme chez Gondry, la vie n’est qu’une folie bercée de musique, jazz si possible.
Pour couronner le tout, les interprètes livrent une composition tout à fait impeccable. Certes, la prise de risque ne se situe pas là et de toute évidence, Gondry a assuré le coup en mettant à l’affiche quatre comédiens bankables. Qui lui en tiendra rigueur lorsque sa créativité offre au spectateur une telle prouesse, un tel débordement de bons mots et de belles images mis au service d’une œuvre dont la quintessence artistique mais aussi sociale a été si bien comprise ?
Franck Bortelle
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L’Ecume des jours
De Michel Gondry
Avec Audrey Tautou, Omar Sy, Romain Duris, Gad Elmaleh, Alain Chabat, Charlotte Le Bon et Aïssa Maïga
Durée : 125 min.
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