Le Majordome – drame avec Oprah Winfrey et Lenny Kravitz
Comment filmer l’Histoire au cinéma ? Le problème est complexe, et pourtant, pour les cinéastes, quelle fascinante question ! De la grande fresque historique au biopic, elle a néanmoins souvent été résolue par une politique de focalisation très, voire trop étroite sur le sujet, qui permet de provoquer l’émotion, quitte à parfois frôler la démagogie ou à signer un pamphlet davantage qu’un film à portée historique.
Le Majordome fait donc partie de ces films qui choisissent d’aborder un vaste sujet d’Histoire – en l’occurrence le mouvement des droits civiques aux Etats-Unis – par le petit bout de la lorgnette. Soit le récit de la vie de Cecil Gaines, qui grandit dans les champs de coton du Sud, où il voit un beau jour son père abattu par le propriétaire terrien qui vient de violer sa mère. Dès lors, il est formé à devenir « un bon nègre de maison », puis trouve du travail en tant que majordome dans un hôtel où il apprend à servir et anticiper les désirs des Blancs tout en se rendant invisible. Parce qu’il est habile et discret, il est repéré et embauché comme majordome à la Maison Blanche. Pour Cecil, c’est un accomplissement ; une réussite et un bonheur inespérés pour un Noir Américain. Mais son fils aîné grandit la rage au cœur devant l’injustice sociale dont il juge son père complice. Louis, lui, veut se battre pour que les Noirs obtiennent l’intégralité de leurs droits civiques. Ainsi, dans le conflit générationnel qui oppose le père et son fils se joue une véritable révolution sociale, jalonnée par huit présidents, Martin Luther King, Malcolm X, les Black Panthers et Nelson Mandela.
Estampillé « inspiré d’une histoire vraie », le film semble alors gêné et effrayé par l’ampleur de son propre sujet. Difficile en effet de ne pas sombrer dans le pathos facile en opposant le fils et le père en plein milieu du conflit racial qui gangrène l’Amérique depuis sa naissance. Difficile aussi de dénoncer plus efficacement le racisme, la terreur inspirée dans le Sud par les persécutions du Ku Kux Klan et les lynchages de Noirs que lorsque Billie Holiday chantait Strange Fruit. Difficile de retranscrire l’importance du bouleversement représenté par le mouvement des droits civiques ou le charisme de Martin Luther King dans un film-fleuve, sans être trop dogmatique ou moralisateur. De ce fait, un peu coincé entre ses velléités dénonciatrices et son désir de sobriété, le réalisateur Lee Daniels peine à trouver la tonalité appropriée pour raconter son film. Le postulat en est certes louable, mais les bonnes intentions suffisent-elles à faire un bon film ?
A l’évidence, non. Si le film n’est pas ennuyeux, il est toutefois d’un formalisme académique accablant. Ainsi, le même reproche que Louis, le fils, fait à son majordome de père est applicable au film en lui-même : il est consensuel, ne s’implique pas et invisibilise le discours. Car à quoi bon faire un film sur un tel sujet pour ne rien revendiquer ? A ce titre, le plus gros défaut de ce film est sans doute de faire mine de croire que le problème racial aux Etats-Unis s’est arrêté à l’élection de Barack Obama. Alors que l’on vient de commémorer les cinquante ans du fameux discours « J’ai fait un rêve » de Martin Luther King, il y avait certainement plus judicieux message à faire passer sur ce sujet que cette sorte de commémoration en forme de mea culpa, comme si tous ces problèmes appartenaient définitivement au passé. D’autres films, tels que La Couleur Pourpre ou Mississipi Burning en leur temps avaient bien plus intelligemment dénoncé la cruauté du Sud dans l’Amérique fondatrice ; l’absence de perspective fait que ce Majordome n’apporte rien de plus au débat. Le scénario de Dany Strong – que, pour l’anecdote amusante, les rescapés des années 90 fans de la célèbre tueuse de vampires connaissent surtout pour avoir interprété Jonathan, le nerd du lycée ayant voulu devenir un membre du trio maléfique – révèle là sa plus grosse faiblesse ; il veut dénoncer mais au dernier moment ne sait pas quoi dire. Le classicisme de la mise en scène, étayée par une narration à la première personne et ponctuée de quelques flashbacks – procédé on ne peut plus conventionnel pour tenter de pourvoir ses personnages d’une vague profondeur – n’aide pas. Dommage pour Forest Whitaker, acteur trop rare, et qui pourtant excelle toujours.
Raphaëlle Chargois
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BAFTA Awards 2014 (16 février)
- 2 nominations : Meilleure actrice dans un second rôle, Meilleurs maquillages et coiffures
Screen Actors Guild Awards 2014 (18 janvier)
- 3 nominations : Meilleure actrice, Meilleure actrice dans un second rôle et Meilleur ensemble d’acteurs
Festival du Cinéma Américain de Deauville 2013 (du 30 août au 8 septembre)
- Premières – Hors compétition
Le Majordome
De Lee Daniels
Avec Forest Whitaker, Oprah Winfrey, John Cusack, Robin Williams et Terrence Howard
Durée : 142 min.
Sortie le 11 septembre 2013
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– les films à voir en 2013
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