Festival de Cannes 2011 – 11, 12 et 13 mai
L’avantage du Festival de Cannes ne réside pas seulement dans la possibilité de voir les films en avant-première mais aussi dans d’éventuelles rencontres à la fois improbables et inattendues. Depuis mardi dernier, nous avons ainsi eu la chance de rencontrer des profils divers et variés que tout différencie sauf leur rapport commun au Septième Art. Nous y reviendrons. Pour l’heure, parlons des films déjà présentés.
11 et 12 mai
En haut de l’affiche, il y a bien entendu le dernier Woody Allen, Midnight in Paris, dont tout le monde a déjà parlé. Complet à la séance de 19h, il nous a fallu nous rabattre sur celle de 23h qui permettait de voir un vrai public majoritairement peuplé de jeunes spectateurs à défaut de voir une pléthore de stars. Bonne ambiance donc pour cette première séance dans l’immense Salle Lumière remplie à ras-bord. Le film, qui sort en même temps dans toute la France, propose une version carte postale de Paris et met un certain temps avant de rééllement prendre son envol. Il est le symbole d’un festival qui ouvre ses portes à la légèreté et au burlesque comme le prouve aussi le film La Fée de qui a inauguré La Quinzaine des réalisateurs et La Guerre est déclarée de Valérie Donzetti, à la Semaine de la Critique, pratiquement crédité de meilleur film depuis le début de la manifestation.
13 mai
Au Festival de Cannes, il vous faut savoir jongler avec les séances mais surtout vous lever le plus tôt possible pour découvrir les films et rester éveillé. La première séance de 8h30 est pourtant loin d’être la plus désagréable et peut s’avérer au contraire la meilleure. Elle captive d’autant plus l’attention que la dernière séance de 22h, lorsqu’on a déjà découvert trois autres films dans la journée.
C’est ainsi que l’on a découvert le dernier film de Nanni Moretti, Habemus Papam, comédie dramatique italienne dans laquelle Michel Piccoli incarne un nouveau pape en plein doute existentiel. L’acteur, aujourd’hui octogénaire, est d’une belle sincérité et d’une douce simplicité. On prend ainsi un grand plaisir à voir ses déambulations dans une Rome qu’il redécouvre avec des yeux enfantins. Avec ce chassé-croisé, Moretti se perd parfois dans son récit avec des séquences ne servant pas sa narration tout comme son personnage de psychologue athée. Mais l’originalité de son sujet et la polémique qu’il peut susciter réussit à sauver son film.
Après cette légèreté italienne, le ton change avec la découverte du dernier film de Maiwenn, Polisse. L’appréhension était de mise avec ce nouveau long-métrage qui suit pendant un an la brigade des mineures dans un commissariat de Belleville. Il faut pourtant l’avouer : le film est une surprise. Bien qu’il soit scénaristiquement brouillon et répétitif (on passe d’une affaire sensible à une autre en un coup d’éclair), il marque par la dureté de son propos qui n’est autre que la triste réalité de la vie. Certaines scènes et plusieurs face-à-face entre des acteurs habités captivent (on pense à celui entre Karin Viar et Marina Fois). Malgré tout, on a le sentiment d’assister quelque part à un film entre potes et on se demande s’il n’était pas mieux d’offrir ces rôles à des acteurs non professionnels. L’impact aurait certainement été plus fort si Maiwenn avait décidé en amont de supprimer son propre rôle, cliché à souhait.
{dmotion}xioqqj{/dmotion}
Midi
Un autre exercice passionnant : les rencontres que vous faites au fur et à mesure du festival. Que cela soit au sein du marché du film, dans les files d’attente ou lorsque vous déjeunez à côté d’autres festivaliers, une symbiose se crée facilement et les discussions cinématographiques fusent.
Au gré de vos déambulations, vous parlez par exemple avec Dider Allouche, journaliste de Canal+ qui couvre la montée des marches pour la chaine TV Festival, Michel Reilhac, directeur du cinéma chez Arte qui vous propose de monter les marches avec lui, Nathalie Chesnel, directeur du Programme MEDIA de l’Union Européenne qui vous invite dans son pavillon etc.
Mais les vraies rencontres, celles qui vous procurent le plus de plaisir et de simplicité, se font avec des personnes qui découvrent tout comme vous, pour la première fois, le Festival de Cannes. Cela passe de la mère d’une jeune réalisatrice québécoise qui garde ses petits-enfants pendant que sa fille présente son film jusqu’à un jeune réalisateur à moitié allemand et moitié colombien qui lui présente, à La Quinzaine des réalisateurs, son premier court-métrage sur le milieu underground des drag queens à Cuba.
Après-midi
Depuis le début du Festival, la femme est à l’honneur. Que cela soit derrière la caméra ou devant l’écran, elles sont au centre d’histoires aussi tragiques que dramatiques et ne se montrent pas forcément dans leur meilleur jour. Tel est le cas de Tilda Swinton dans le dérangeant We need to talk about Kevin de Lynne Ramsay qui revient, à son tour, sur les tueries dans les collèges aux Etats-Unis. Le film révèle Ezra Miller, un jeune acteur en herbe fascinant et à qui on prédit (et on espère) une grande carrière. Son interprétation dans le film Afterschool en 2008 était déjà un avant-goût de son talent pour instaurer un climat effrayant de par son regard pénétrant qui peut aussi bien vous faire froid dans le dos que vous donner de la sympathie.
On peut en dire de même de la jeune Clémence Poésy dans le nouveau film de Philippe Ramos, Jeanne Captive, qui aborde les derniers jours de la pucelle Jeanne d’Arc. Sous ses allures de téléfilm pour France Télévision, une atmosphère symbolique religieuse ressort par de belles images rappelant les films de Terrence Malick. Entre ce film, celui de Woody Allen et celui de Maiwnen, on regrette pourtant que ces cinéastes aient recours à des guest stars le temps de petites séquences qui plombent le film plus qu’ils ne le portent.
{dmotion}xipcwi{/dmotion}
Soir
Sortir le soir à Cannes est un jonglage permanent. Les soirées fusent, la Croisette se déchaine et il vous faut des invitations pour aller partout. C’est d’ailleurs cela qui est fascinant dans cette ville : s’arrêter un moment et se dire que dans un espace aussi petit il se passe autant de fantaisies.
Vous passez donc de soirée en soirée en croisant sur votre passage moult stars qui semblent jouer le même jeu que vous et souvent dans le même état de sobriété que vous. Dernière soirée en date, la soirée au Pavillon Américain qui a été l’occasion d’entendre mixer le réalisateur John Cameron Mitchell au côté de Jonathan Caouette et de parler à Ezra Miller et John C. Reilly en tout simplicité. C’est aussi ça Cannes, des rencontres improbables dans un univers de fauves et de caméléons qui ont soif de vie. Affaire à suivre.
Edouard Brane
A lire également sur Artistik Rezo :
– Festival de Cannes 2011 – 11 et 12 mai – par Lucile Bellan
– Gala d’ouverture du Festival de Cannes – 11 mai 2011
– Performance de Lady Gaga – le 11 mai 2011
[Visuel : Affiche du festival : Faye Dunaway © photo by Jerry Schatzberg – Artwork: H5]
Articles liés
“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...
“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...
La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...