Le discours d’un Roi
Comprimant le temps historique pour servir le propos dramatique, Le discours d’un roi fait débuter son action dans les années 30. Albert, duc d’York, est le fils cadet du roi George V. Son frère aîné, David, est destiné à prendre la succession de son père, et Albert, tranquille officier de marine, partage sa vie entre le train-train protocolaire, sa famille, et son incapacité maladive à s’exprimer en public.
Mais c’était sans compter l’un des scandales les plus sulfureux du XXeme siècle : David s’amourache d’une divorcée américaine, Wallis Simpson, et moins d’un an après son couronnement, abdique pour l’épouser. Laissé face à son destin, Albert, rebaptisé George VI, n’a pour alliés que son épouse, l’exaspérante et charmante future reine mère, et son thérapeute, un acteur australien raté, Lionel Logue.
La situation se présentait avec un potentiel comique que le duo Hooper-Seidler ne cesse d’exploiter. Petit monument d’humour anglais, le film attire d’abord la sympathie du spectateur en enchaînant des scènes jouissives.
Mais loin d’être une simple histoire de rédemption ou d’un exploit personnel, le film est avant tout le récit d’une collaboration entre deux hommes, qui se mue à l’écran en un duel d’acteurs – dont Geoffrey Rush sort gagnant. Si Colin Firth est extraordinaire dans un rôle à contre-emploi de prince timide et caractériel, il ne résiste pas à la puissance de Rush. Le personnage complexe de Logue, cabot gouailleur et insolent avec ses patients et les institutions, mais lâche et petit face à ses rêves et sa vie personnels, offre au talent de Rush un espace immense, qu’il exploite à la perfection.
La dimension la plus intéressante de l’intrigue devient alors ce jeu d’emboîtement où les faiblesses de l’un sont atténuées par la stature de l’autre, le roi prêtant au professeur sa grandeur, le professeur au roi sa voix. Loin de faire du thérapeute un outil dans un film célébrant la gloire d’un roi, Le discours d’un roi place au contraire les deux protagonistes au même niveau, en fait des « égaux », comme le demande Logue à Albert : « dans ce bureau, nous sommes tous égaux ». C’est là sa plus grande réussite narrative.
Une autre réussite étoffe le film : imperceptiblement, tout en discrétion, Danny Cohen impose avec sa photographie une paisible révolution.
La nouveauté n’est pas dans la lumière, sobre et de bon goût. Elle est ailleurs : dans un film de l’étouffement et de la promiscuité, la caméra accorde la forme à son objet. L’essentiel des scènes est tourné au grand angle, avec une caméra volontiers collée aux acteurs, ce qui a pour effet de déformer les visages et de provoquer avec le spectateur une intimité presque gênante.
A d’autres moments, le grand angle s’éloigne et découpe les personnages sur un fond hétéroclite et brouillon, les singularisant, les isolant encore de leur environnement. Des angles inattendus, plongées et contre-plongées, enrichissent l’espace visuel du spectateur, qui est régulièrement mais subtilement dérouté par la vivacité de la caméra.
Servi par la finesse de l’écriture anglaise, Le discours d’un roi est un film très drôle, touchant par moments, qui évite les écueils du ridicule comme de la sensiblerie. Mais c’est surtout une extraordinaire rencontre d’acteurs, et s’il fallait une catégorie à cette œuvre inclassable ce serait celle-là : la mise en place d’un duo splendide, digne des plus grandes associations du cinéma.
Anna Winterstein
Dis Voir
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A lire sur Artistik Rezo :
– les films à voir en 2011
Le discours d’un roi
Sortie le 2 février 2011
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