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L’Apollonide – Souvenirs de la maison close

6 septembre 2011
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L’Apollonide – Souvenirs de la maison close

Malgré son décor baroque, richement calfeutré, c’est pour voir jaillir du sang que l’on pénètre tout d’abord derrière les lourds rideaux de L’Apollonide, maison close de haute réputation. Et qu’est-ce qui pourrait mieux dire la meurtrissure des chairs subies par ces corps qui semblaient pourtant alanguis, que ce visage déchiré soudain par la main qui prétendait vouloir caresser ? La prostitution, déclare sans ambiguïté la caméra de Bertrand Bonello, est un acte de violence et de barbarie à l’encontre des femmes. Venu présenter son film en avant-première, le réalisateur de Tirésia (2002) a sans hésiter prononcé le terme d’ « esclavage », expliquant que la soul Motown a priori anachronique qui rythme le film était destinée à marquer le parallèle entre l’oppression longuement vécue par la communauté noire américaine, et le triste sort des filles de joie qu’il dépeint ici, avec compassion et tendresse.

Dans cette cage dorée, les fabuleuses actrices (Hafsia Herzi, Adèle Haenel, Jasmine Trinca, Céline Salette, Iliana Zabeth, Alice Barnole, Pauline Jacquard, sans oublier Noémie Lvovsky, formidable en mère-maquerelle au grand-cœur) sont sublimées. La grâce avec laquelle la réalisation les fait resplendir dénonce avec encore plus de poids la cruauté de la vie des prostituées, qui fait de leur beauté leur malédiction. Très demandée, Léa « La Poilue » finira par déclarer sous le poids de la lassitude : « Si je sors d’ici un jour, je ne ferai plus jamais l’amour ».

Or d’amour, il n’y en a pas dans ce huis-clos charnel. Les corps ne sont pas des objets de désir mutuel, mais de convoitise unilatérale. Ainsi Léa doit-elle jouer les automates pour plaire à un client. Ainsi Julie « Caca » ne peut compter dans l’adversité sur cet amant qui s’en retourne à sa famille sans un adieu. Ainsi Madeleine « La Juive » portera-t-elle toujours les stigmates de sa trop grande confiance, accordée à un homme dont elle semblait croire qu’il aurait pu l’aimer. Ainsi Pauline ne se sent-elle plus si jeune après avoir dû coucher dans un bain de champagne. Et que dire de Clothilde, qui se réfugie dans l’opium pour oublier que son corps, son seul moyen de subsistance, ne semble plus faire envie ?

Ce n’est que lorsque les filles prennent soin d’elles, se réconfortent mutuellement, que surgissent l’affection et l’humanité. Le soir venu, elles ne sont plus que des objets, magnifiés pour le plaisir des autres. Dans le gynécée, en revanche, les cicatrices sont aimées, les failles sont pardonnées, les plaies sont nettoyées. Dépourvues de leurs luxueux appâts, dépouillées de tout artifice, Samira, Léa, Julie, Clothilde, Pauline, Madeleine, sont plus belles encore. Une partie de campagne survient comme une lumineuse respiration, trop éphémère hélas, entre deux passes désincarnées. La fin imminente de l’ère des maisons closes ne sera toutefois pas une libération ; elle laissera seulement planer une menace plus mystérieuse, un avenir encore plus précaire et incertain. Car dans cet univers hors de l’espace et du temps, pas d’échappatoire. Si ce n’est une émeraude dont l’offrande est le plus généralement fantasmée, symbole d’une demande en mariage qui sur le plan relationnel correspond toujours à une forme d’emprisonnement mais parait socialement libératrice.

Il y aurait encore beaucoup à dire de ce film qui raconte moins une histoire qu’il ne dénonce une souffrance, en évitant toutefois l’écueil de la pesanteur moralisatrice, grâce à un sens esthétique et à une mise en scène inventive, ingénieuse, admirable. Du talent des actrices qui se glissent dans la peau de ces femmes brimées, moralement et physiquement fragmentées. Mais le mieux est sans doute de se rendre en salles, afin d’y réfléchir par soi-même, avec la certitude rassurante qu’on n’en ressortira pas indemne.

Raphaëlle Chargois



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Lumières de la presse étrangère 2012

  • 4 nominations : Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur scénario, Meilleur espoir féminin


Prix Louis Delluc 2011

  • 1 nomination : Prix Louis Delluc

Festival de Cannes 2011

  • 5 nominations : Palme d’Or, Grand Prix, Prix du Jury, Prix du Jury Oecuménique  et Prix de la Jeunesse

L’Apollonide – Souvenirs de la Maison Close

Film de Bertrand Bonello

Avec Hafsia Herzi, Adèle Haenel, Jasmine Trinca, Céline Salette, Iliana Zabeth et Noémie Lvovsky

Sortie le 21 septembre 2011

A découvrir sur Artistik Rezo :
– les films à voir en 2011

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