La Vengeance de Matt Reeves : critique de The Batman
L’univers étendu de DC est mort et enterré. Emportant dans la tombe Ben Affleck et son Batman fatigué d’une vie héroïque inutile et sans conséquences, l’avenir des héros DC semblait bien sombre…
La firme de l’homme d’acier voulait absolument coller au calendrier du Marvel Cinematic Universe mais ne résulte qu’en des films génériques oubliables à tel point que certains seront remontés dans des Director’s Cut pour la VOD histoire de leur racheter une image auprès d’un public franchement déçu. DC et Marvel ont pourtant deux lignes éditoriales franchement différentes : là où Marvel table sur un ton léger, cosmique et franchement humoristique, sa concurrente doit ses succès cinématographiques à des histoires bien plus sombres, lourdes et impactantes. C’est ainsi qu’un retour aux sources relance la machine avec Le Joker de Todd Phillips. Succès international avec une statuette à la clé pour Joaquin Phoenix, un nouveau Batman est mis en chantier dans la foulée. Exit donc les univers connectés et bonjour Robert Pattinson : aujourd’hui on vous donne notre avis sur The Batman de Matt Reeves.
Tout d’abord, de quoi ça parle ?
Bruce Wayne est devenu Batman depuis 2 ans maintenant. Encore jeune et inexpérimenté, il terrorise les malfrats de la ville en faisant preuve d’une violence inouïe. Appelé “Vengeance”, notre homme chauve-souris tape dur au sens propre comme au figuré pour inverser la criminalité à Gotham. Se forgeant sa propre réputation, il se rend vite compte que pour arrêter de plus grandes menaces, il se doit de devenir plus qu’un simple bourreau. Il doit devenir le plus grand détective du monde.
On se détache de ce fait de la tendance super héroïque pour se pencher un peu plus sur l’aspect psychologique du métrage. Batman passe les trois heures de film à arpenter Gotham en quête d’indices pour déjouer les meurtres sordides du Riddler. Bien que le justicier fait la part belle aux coups de poings et aux prises de catch on se retrouve finalement bien plus proche d’un Zodiac que d’un Iron Man par exemple. À l’instar du film de Fincher, l’intrigue est prenante et éprouvante pour le spectateur qui se sent indubitablement impliqué dans une spirale cauchemardesque.
Néanmoins, la trilogie du Dark Knight de Nolan s’orientait elle aussi autour d’intrigues bien plus complexes. Quel est l’intérêt de cette nouvelle itération du chevalier noir ?
La trilogie de Nolan nous avait offert une genèse de Batman tout à fait classique. Bruce était empli de sagesse et d’intelligence dès lors qu’il enfilait son masque tandis qu’ici, Robert Pattinson est nettement plus à fleur de peau. Incroyablement violent, on retrouve un Batman motivé par la vengeance. Il ne recule devant rien pour satisfaire sa vision de la justice. Pour coller à cette image de Batman violent, tout le film s’oriente autour de lui. Constamment au centre du cadre, il s’impose au spectateur comme aux criminels avec une force herculéenne. Il convient de préciser qu’on traite ici de l’homme chauve-souris et non de Bruce Wayne tant il est peu impliqué et visible dans le film, mais aussi à Gotham, par extension. Contrairement aux volets précédents, Batman est le sujet principal. N’étant plus la figure droite que l’on connaît habituellement, le justicier de Gotham voit ses convictions mises à rude épreuve et montre de sévères preuves de faillibilité qui le rendent beaucoup plus humain. Il est en proie aux doutes et se retrouve bien souvent dos au mur ; l’environnement de Batman n’y est d’ailleurs pas étranger.
Transpirante, suintante, pluvieuse, morose, morne, obscure et tortueuse, Gotham est l’exemple même de la ville malade. Très empruntée à l’expressionnisme allemand, la ville est un ressort important de l’intrigue tant elle est dangereuse pour quiconque y vit ou vivra. Devenant quasiment un antagoniste dans le film, elle fera tout pour que Batman sombre face à ses opposants. À travers des pièges dissimulés dans l’ombre et des menaces inconnues, Bruce devra apprendre seul à dompter sa ville avant même de pouvoir aspirer à la nettoyer. Couplé à une musique de Michael Giacchino qui glorifie la violence et l’obscurité à grands coups de caisses claires, Gotham ne nous a jamais semblé aussi vivante et diabolique, pour le plus grand plaisir des spectateurs qui en sortent assommés sans pouvoir demander leur reste.
Vers le film de l’année ?
Après tant d’éloges, il convient de se demander si ce film a la capacité d’être un des films de 2022. Hélas, le film parfait n’existant pas, que peut-on reprocher au dernier film DC ?
Profondément stylisé, le film se pose parfois un peu trop pour flatter la rétine et les oreilles du spectateur. En découle malheureusement un problème de rythme récurrent. L’intrigue peinant à se lancer, elle finit par être expédiée avec un rythme frénétique trop peu naturel à tel point qu’elle laisse plus d’un spectateur sur le carreau. Certainement trop généreux en clins d’œil autour de l’univers du chevalier noir, beaucoup de personnages sont introduits pour le plaisir des fans au grand dam du récit. Catwoman et Le Pingouin demeurent pour nous une sacré déception pour le moment, bien qu’une suite semble déjà en chantier. Ne sachant pas si le film doit se suffire à lui-même ou enclencher une nouvelle saga, le réalisateur dévoile trop ou trop peu et laisse, par conséquent, le film lui échapper par instants.
Jamais inintéressant, le succès de Batman est mérité tant le film compile les bonnes idées. Reléguant foncièrement ses défauts aux plus tatillons des critiques, Matt Reeves nous embarque dans un thriller baroque qui ne nous fait pas l’affront d’une énième “origin story”. Visuellement marqué et marquant, nous tenons sans aucun doute une nouvelle saga prometteuse. À condition d’abattre la bonne carte…
Victor Ribeiro
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