« La Forme de l’Eau » : Guillermo Del Toro et l’armada mexicaine
18Récompensé par le Lion d’Or au dernier festival de Venise, en course pour les Oscars, La Forme de l’Eau assoit encore un peu plus Guillermo Del Toro dans le paysage cinématographique mondial. Comme lui, d’autres cinéastes mexicains ont réussi à atteindre cette forme de renommée internationale. Une armada qui semble aujourd’hui assez indéboulonnable…
Le bilan est assez hallucinant. Oscar du meilleur réalisateur pour Alfonso Cuarón en 2014 (Gravity). Oscar du meilleur scénario, du meilleur réalisateur et du meilleur film pour Birdman (Alejandro González Iñárritu) en 2015. Doublé pour Iñárritu à l’Oscar du réalisateur en 2016 grâce à The Revenant. Après une brève pause en 2017, voici Guillermo Del Toro en lice pour permettre au Mexique de confirmer son statut de vivier d’immenses talents capables de dominer Hollywood. Récompensé par le Golden Globe du meilleur réalisateur grâce à La Forme de l’eau (qui sort le 21 février dans les salles françaises), le metteur en scène de Hellboy, Le Labyrinthe de Pan et Pacific Rim est favori pour les Oscars, lui dont le film totalise 13 nominations (dont meilleur film, meilleur réalisateur et meilleure actrice pour Sally Hawkins).
Outre les titres cités plus haut, Guillermo Del Toro a également réalisé Cronos, Mimic, Blade 2, L’Echine du diable ou encore Crimson Peak, des films aussi différents qu’exigeants par leur façon d’allier cinéma populaire et film de genre, de tenter des expériences sans jamais cracher sur le classicisme… Bref, c’est une grande et belle oeuvre que le cinéaste est en train de se construire, en toute indépendance et avec une rapidité assez déconcertante.
Même constat pour Alfonso Cuarón, révélé avec Y tu mama tambien, qui a également permis de voir éclore Gael Garcia Bernal. En quelques films, le réalisateur est devenu un géant. Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, Les Fils de l’homme puis Gravity n’ont cessé d’enfoncer le clou : il faudrait désormais compter avec Cuarón, visionnaire doublé d’un technicien hors pair. La modestie apparente de son prochain projet (Roma, chronique sur une famille de classe moyenne dans le Mexico des années 70) ne fait que renforcer notre sympathie pour celui qui se garde bien de faire dans la surenchère.
Quant à Alejandro González Iñárritu, son parcours laisse lui aussi baba. C’est avec Amours chiennes qu’il nous a scotchés en 2000. Depuis, de 21 grammes en Babel, de Birdman en The Revenant, chaque projet a semblé plus hallucinant que le précédent, avec des concepts de plus en plus novateurs et une direction artistique n’ayant rien à envier à celle des films de ses compatriotes mexicains. Mais mentionner Iñárritu et Cuarón sans évoquer leur chef opérateur préféré serait une erreur : on doit en effet l’image de Gravity, de Birdman et de The Revenant à Emmanuel Lubezki, mexicain lui aussi, qui a réussi l’exploit de remporter l’Oscar pour ces trois films… trois années consécutives. Avant cela, Sleepy Hollow de Tim Burton, Le Nouveau Monde de Terrence Malick ou encore Les Fils de l’homme (Cuarón) lui devaient aussi leur si belle image.
Si ces quatre hommes forment sans aucun doute le carré d’as du cinéma mexicain à Hollywood, il ne faudrait pas oublier que, dans l’ombre, d’autres cinéastes réalisent des projets moins populaires mais qui méritent néanmoins d’être vus et défendus. Les deux rivaux Amat Escalante (La Région sauvage) et Carlos Reygadas (Post Tenebras Lux) ne sont pas les plus accessibles, mais leur cinéma est très riche. D’autres, comme Fernando Eimbcke (Temporada de patos, Lake Tahoe), se font également assez discrets mais mènent leur barque avec un savoir-faire remarquable. Quand à Michel Franco (Les Filles d’Avril, Despues de Lucia), si ses films divisent, c’est parce qu’il sont fait pour ça. Le cinéma mexicain est riche, pluriel, et touche souvent au cœur et aux tripes. Cela ne devrait sans doute pas s’arrêter de sitôt.
Lucile Bellan
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