La folle histoire d’amour de Simon Eskenazy
On a affaire ici à des personnages explosifs qui rythment à merveille cette comédie. Bella, la mère de Simon et sa manucure parfaite, son maquillage irréprochable, ses habits impeccables, est vielle, malade mais pas sénile. Diablement manipulatrice, vive et insupportablement directive, elle se fait aimer de tous, sauf de son fils, quarantenaire attirant par sa nonchalance et son air je m’en foutiste et mélancolique. Un sympathique bourreau des cœurs à l’égoïsme forcené. Naïm, son amant, dont l’occupation principale est de se travestir, va, dans son personnage d’Habiba -aide soignante étudiante en droit international- alimenter cette tension mère/fils en devenant à l’insu de ce dernier la garde malade de Bella. Personnage d’une grande beauté, il est, à ses heures, Rosa, serveuse dans un bar transsexuel, Habiba garde malade, ou encore Angela, juive new-yorkaise distinguée qui va susciter l’admiration de tous au mariage de Rosalie, l’ex femme de Simon. Ce tourbillon de rôles, de personnalités, révèle une beauté troublante, aussi intense au masculin qu’au féminin. Toutes ses facettes contiennent autant de classe, de vitalité et de générosité. Probablement le personnage le plus complexe et le plus abouti du film, qui centralise et dénoue toutes les tensions mises en place entre les protagonistes.
Il est de plus brillamment interprété par Mehdi Dehbi, du CNSAD (Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique), qui fait face aux difficultés d’une interprétation mixte et multiple au sein d’un seul personnage.
La diversité des névroses de ces individus se marie avec brio avec leurs différences, notamment culturelles, formant une comédie où, si le réalisme est inhérent aux personnages, leur beauté et leur complétude parvient à élever les méandres des relations chaotiques à une harmonie, un équilibre où chacun trouve sa place. On y réalise donc que, si l’enfer c’est les autres, la variété est bel et bien le sel de la vie.
Un Barbès coloré, joyeux et bordélique, un mariage et un enterrement dans lesquels le sens de la fête ne s’est pas perdu, servent de cadre à cette comédie. Le tout est dynamisé par une bande originale enjouée et rythmée, interprétée par les membres des Yeux noirs, un groupe tzigano-pop et yiddish-rock qui a d’ores et déjà fait ses preuves.
Ces différents atouts en font un film funambule, en équilibre sur le genre de la comédie, qui parvient, tout en s’en approchant, à ne pas basculer dans les lieux communs du mélodrame.
Ce deuxième volet des aventures de Simon Eskenazy parvient à exprimer avec simplicité et humour la complexité des relations humaines, l’affrontement avec soi-même et les autres, et ceci dans un cadre joyeux et léger.
Sophie Thirion.
Articles liés
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...
“Les Imitatueurs” à retrouver au Théâtre des Deux Ânes
Tout le monde en prend pour son grade, à commencer par le couple Macron dans un sketch désormais culte, sans oublier Mélenchon, Le Pen, les médias (Laurent Ruquier & Léa Salamé, CNews…), le cinéma, la chanson française (Goldman, Sanson,...