La Femme du ferrailleur, un drame de Danis Tanovic
La Femme du ferrailleur De Danis Tanovic Avec Senada Alimanovic, Nazif Mujic et Sandra Mujic Durée : 77 min. |
Sortie le 26 février 2014
Reparti avec deux prix du 63ème Festival du Film de Berlin, le nouveau film de Danis Tanovic (No Man’s Land) plonge dans le quotidien tragique d’un couple de Roms de Bosnie avec un réalisme brut et brutal. Un état des lieux effrayant que renforce la présence de deux comédiens non professionnels. Un film coup de poing. Danis Tanovic avait effectué son entrée fracassante dans le cinéma il y a 13 ans avec No Man’s Land, un réquisitoire impitoyable bien que d’une irrésistible drôlerie sur la guerre en Yougoslavie. Oscars, Césars, Golden Globes, sélection à Cannes avaient fait le reste. Le cinéaste, qui tourne peu, continue à imprimer sur pellicule ses démons intérieurs, toujours liés à la situation de son pays. Avec ce nouvel opus, il se débarrasse des oripeaux de la classique mise en scène pour aller à l’essentiel : filmer l’urgence. Un couple et deux enfants vivant dans un confort modeste en Bosnie. Nasif vit et fait vivre les siens en récupérant de la ferraille un peu partout pour la revendre au poids. Senada fait tourner la maison et bouillir la marmite. Des douleurs violentes dans le ventre l’obligent à consulter à l’hôpital. L’opération qui règlerait ce problème est impossible, le couple n’ayant aucune couverture sociale. L’hôpital s’arc-boute sur son règlement et renvoie la malade. Nasif a peu de temps pour sauver son épouse. Deux prix à Berlin En moins d’une heure et quart, le cinéaste dresse un état des lieux impitoyable des conditions de (sur)vie de ce peuple des campagnes dont l’existence ne tient qu’à un impératif : ne jamais tomber malade. La caméra en perpétuel flux tendu capte cette urgence de survie (la séquence d’ouverture de la collecte du bois de chauffage a de quoi endolorir le spectateur) avec un réalisme voire un naturalisme proche du documentaire. Filmé caméra à l’épaule en 9 jours, Tanovic pare au plus pressé. Le caractère fictionnel (même si le propos est inspiré d’une histoire vraie) parvient pourtant à prendre le dessus, créant même une forme de suspens dans cette course contre la mort. Le propos n’en est que plus fort. Le montage, très serré, permet d’inscrire au tableau de ce constat social l’horreur d’une situation qui, entre les plans d’usines fumantes et les structures hospitalières à la froideur sépulcrales, semble écraser plus encore les protagonistes qui ne sont plus que leur propre spectre (le jeu des éclairages notamment dans les scènes d’hôpital est à ce sujet criant de vérité). Avec infiniment de dignité, sans misérabilisme, Tanovic touche la où ça fait mal. Le jury du dernier Festival de Berlin ne s’y est pas trompé en lui décernant le prix du Jury et celui d’interprétation masculine. Franck Bortelle [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=FpdtxbHqBF4[/embedyt] Berlinale 2013 (du 7 au 17 février)
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