La Corne d’Abondance de Juan Carlos Tabio
L’histoire raconte le réveil d’un petit village du nom de Yaraguey à l’annonce d’une nouvelle pour le moins inattendue et providentielle. Désormais, tous ceux qui portent le nom de « Castiñeiras » pourront prétendre à une part de l’héritage juteux que des religieuses auraient déposé dans une banque anglaise au XVIIIe siècle. Branle-bas de combat, course à la constitution d’une commission municipale d’authentification des papiers d’identité, bataille rangée et coups bas entre les « Castiñeiras » avec le « y » ou sans le « y », petites trahisons et grosses désillusions… Les villageois vont laisser quelques plumes dans cette chasse au trésor, sans forcément avoir l’assurance d’être récompensés.
Narré du point de vue de Bernardo (Jorge Perrugoria), le personnage principal, le film opère un flash-back sur la genèse de l’héritage. On part alors à la rencontre d’un Cuba métissé, dominé par l’opposition entre classe bourgeoise et petit peuple de villageois, bien loin des cartes postales. Fresque sociale, le film dresse une galerie de portraits d’individus qui essaient tant que bien que mal de composer avec le manque de moyens. Le frigidaire, la télévision, le téléphone portable, autant d’objets indissociables de la société de consommation, deviennent des biens précieux, durement et chèrement acquis, qu’on refusera – même après un conseil de famille des plus animés – de vendre, en cas d’extrême nécessité.
Mais le misérabilisme n’a ici aucune place. Juan Carlos Labio insuffle à sa comédie, rythme, énergie, en la parsemant de dialogues truculents. Avec humour et ironie, le réalisateur montre le dénuement, jusque dans la façon de vivre son intimité. Ainsi, le manque de place et la promiscuité dans les habitations vétustes sont l’occasion de scènes cocasses où mari et femme, amant et maîtresse doivent faire preuve d’imagination et d’ingéniosité pour trouver un refuge où assouvir leurs désirs. Le rêve de Mardica, la femme de Bernardo, n’en devient que plus touchant de simplicité : avoir enfin une chambre à eux, une fois l’héritage touché, sans plus jamais être dérangés par les irruptions intempestives de la belle-mère.
La Corne d’abondance, symbole originel de la fécondité et de la prospérité – mais plus prosaïquement dans cette histoire, simple appellation de la pâtisserie du village – devient une parabole haute en couleur de la société cubaine actuelle, vivant dans l’espoir de meilleurs lendemains.
Roxane Ghislaine Pierre
La Corne d’Abondance
de Juan Carlos Tabio
Avec Jorge Perrugoria, Enrique Molina, Paula Ali, Yoima Valdés, Laura De La Uz…
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Sortie le 3 février 2010
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