La Colline aux coquelicots – film de Goro Miyazaki
Reconstruire. Un pays, un foyer étudiant, une famille. Tous marqués par la guerre et les deuils qui s’ensuivent toujours. En l’occurrence, c’est la guerre de Corée qui a laissé un Japon abîmé et orphelin, mais aussi un Japon prêt à se tourner vers de nouvelles perspectives d’avenir pour renaître de ses cendres, dix ans après la fin du conflit. Pourtant il n’est pas toujours possible de s’affranchir d’un douloureux passé, qui a fortiori projette de grandes parts d’ombre sur l’identité de chacun.
Ainsi Umi ne sait-elle quasiment rien de son père, marin dont le bateau a explosé à la fin de la guerre. Malgré tout elle en maintient la mémoire en hissant chaque matin devant sa maison des drapeaux, pour guider son souvenir jusqu’à elle. Shun, lui, aperçoit les pavillons depuis le bateau de son père. Emu par l’habitude de la jeune fille, il en fait le sujet d’un poème qu’il fait publier dans le journal du lycée, dont il est par ailleurs le rédacteur-en-chef. Aussi, quand la publication devient le fer de lance d’une bataille pour sauver le foyer des lycéens de la destruction, Umi saisit l’occasion de se rapprocher de Shun, en aidant à la composition du journal et en travaillant à la rénovation du foyer, les élèves espérant qu’en redorant son blason ils empêcheront qu’on l’abatte pour ériger un bâtiment neuf mais dépourvu d’âme. Délicatement, discrètement, Umi et Shun tombent amoureux. Mais le passé les rattrape, et pour être ensemble, il leur faudra d’abord comprendre le mélodramatique secret qui les lie.
Indéniablement, l’histoire est touchante. Simplicité, naïveté et mélancolie s’y mêlent avec justesse, mais un certain manque de finesse. Le nœud de l’intrigue apparaît en effet assez rapidement comme prévisible, et ce foyer des lycéens menacé de destruction est une métaphore assez grossière d’un Japon en plein questionnement, au sortir des guerres du vingtième-siècle qui en ont dévasté le sol et la culture. Faut-il succomber à l’occidentalisation galopante, renoncer aux traditions, faire fi d’un héritage foisonnant pour s’intégrer plus aisément dans le monde contemporain ? Le film dit bien cette difficulté de concilier l’ancien et le nouveau, d’assumer son héritage sans s’y laisser emprisonner.
Mais son problème est de terriblement manquer de fantaisie, quand tant de possibilités lui étaient offertes de titiller l’imagination ! En effet, on ne peut pas manquer de rêver à ce que Miyazaki-père aurait pu créer à partir d’une ressource scénaristique et visuelle telle que ce foyer étudiant, poussiéreux, où se côtoient les clubs d’astronomie et de philo, où les livres se baladent tout autant que les élèves, où l’on pronostique sur les maths et conserve les copies des gloires passées de l’école. Goro Miyazaki, quant à lui, se cramponne à son réalisme nostalgique, évinçant toute possibilité de fuite dans l’imaginaire débridé, et n’atteignant toutefois pas la poésie dont Isao Takahata, autre grand maître des studios Ghibli, avait su imprégner son chef-d’œuvre tragique, Le Tombeau des Lucioles. Le graphisme, qui plus est, est joli mais pâlot, aussi peu inventif que le scénario.
Par conséquent, le spectateur pour qui le nom de Miyazaki serait le gage d’un émerveillement certain doit s’attendre à une grande déception face à ce film d’animation gentillet mais inabouti, qui évoque le problème de la filiation mais ne semble pas assumer la sienne. A moins que ce soit son héritage culturel, que selon le même dilemme qu’il représente, il ne puisse revendiquer, et ait dû céder à l’occidentalisation galopante : car il est difficile de ne pas se demander si la collaboration des studios Disney dans la production de ce dessin animé n’a pas dans une certaine mesure participé à cette aseptisation bienveillante.
Raphaëlle Chargois
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La Colline aux Coquelicots
De Goro Miyazaki
Voix originales de Masami Nagasawa (Umi Matsuzaki), Junichi Okada (Shun Kazama), Keiko Takeshita (Hana Matsuzaki), Yuriko Ishida (Miki Hokuto), Rumi Hiiragi (Sachiko Hirokôji), Jun Fubuki (Yoshiko Matsuzaki), Takashi Naito (Yoshio Onodera), Teruyuki Kagawa (Tokumaru rijichô), Shunsuke Kazama (Shirô Mizunuma) et Nao Ohmori (Akio Kazama)
Durée : 91 minutes
Sortie le 11 janvier 2012
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