La Belle et la Bête – lemieux.pilon 4d art – Théâtre national de Chaillot
Les Québécois Michel Lemieux et Victor Pilon font une belle relecture de ce conte fondateur. Férus de technologies numériques et de leur encontre avec le spectacle vivant, ils n’ont pas la moindre peine à révéler le caractère intemporel de cette histoire qui a connu tant d’adaptations au théâtre et au cinéma. Leur travail à la lisière des disciplines permet de faire un pas vers l’art chorégraphique.
Des images en 3D fascinantes, un manoir aux allures de château hanté, des combats féroces entre des personnages en chair et des apparitions virtuelles, de troublants dédoublements. Leurs créatures sont fantasmagoriques, surdimensionnées, plus effrayantes que dans un rêve, justement parce qu’elles sont si proches de la nature humaine. Le riche marchand d’art qui incarne La Bête se défigure en faisant éclater, avec son visage même, un miroir géant. C’est ainsi qu’il entre dans le conte. Désormais il cache son visage balafré sous une large capuche brodée. Ce visage est l’expression de ses plaies intimes.
La Bête tourbillonne dans sa carapace: « Cette souffrance, d’où vient-elle ? » La Belle : « Pourquoi devrais-je vous répondre ? On ne s’ouvre pas devant quelqu’un qui se cache ! » Elle réclame en vain de voir le visage de son nouveau maître, qui la fascine et l’effraye en même temps. Femme de notre époque, elle tient tête à celui qui était un grand client du père défunt, un peintre.
La Belle aussi aimer la peinture. Cet art est ici l’expression de soi qui unit espérance et désespoir, arts visuels, danse et théâtre. Dans un geste magnifique, La Belle éclabousse des tableaux virtuels de superbes jets de peinture rouge écarlate.
Bien sûr, La Belle et la Bête porte aussi sur l’éveil sexuel, comme Le Roi Grenouille et autres Blanche Neige, sans parler de la Belle au bois dormant. Ici, la concurrence entre deux femmes se joue entre La Belle et La Dame, narratrice et personnage en même temps.
Il y a deux ans, la compagnie lemieux.pilon 4d art nous a fascinés avec « Norman », un hommage aux films d’animation de Norman McLaren, où les formes virtuelles se mettent à danser, au-delà de toutes idées de matérialité ou d’espace. L’émotion y naît de l’abstraction et de l’implosion des concepts appliqués à la danse. Dans La Belle et la Bête, tous les espaces s’ouvrent et interagissent, au-delà des carapaces artistiques. C’est ainsi, et ainsi seulement, qu’une création contemporaine renoue avec la profondeur d’un conte ancestral.
Thomas Hahn
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La Belle et La Bête
Première en France
Création, mise en scène : Michel Lemieux et Victor Pilon
Création et texte : Pierre-Yves Lemieux
Assistante à la mise en scène, régie : Isabelle Painchaud
Décor, costumes, accessoires : Anne Séguin Poirier
Musique originale : Michel Smith
Conception visuelle : Michel Lemieux, Victor Pilon
Les 21, 22, 23, 26, 27 et 28 février et 1er mars à 20h30
Le 24 février à 15h30
Durée : 1h30
Théâtre National de Chaillot
1, place du Trocadéro
75116 Paris
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