Au-delà – Clint Eastwood
Au cours de la dernière décennie, l’ancien Inspecteur Harry s’est fait une spécialité des films mélancoliques, où les anti-héros luttent pour survivre face à une société qui ne les écoute plus et qui sont généralement victimes d’une solitude partielle. C’était déjà le cas dans L’échange avec le personnage d’Angelina Jolie, dans Invictus avec Morgan Freeman sans oublier Clint himself dans Million Dollar Baby et Gran Torino.
Le problème de ces derniers films provient de leur redondance et de leur nostalgie emphatique ; la marque la plus évidente étant l’utilisation de la bande-originale que Clint compose lui-même. Rien de plus facile que l’utilisation de quelques notes mélo-dramatiques au piano et à la guitare (et attention, innovation, à l’accordéon ici dans les scènes parisiennes !) pour forcer la larme à venir délicatement glisser le long de la joue.
N’oublions pas que la force et le talent d’Eastwood sont aussi grandement dûs à son directeur de la photographie Tom Stern qui maîtrise parfaitement cette image grisâtre et terne ainsi que ces clairs-obscurs à l’origine conçus pour masquer les traits vieillissants de l’acteur américain. Rappelons aussi qu’à l’image d’un David Fincher, Clint Eastwood n’a presque jamais signé le scénario de ses films. Ses longs métrages proviennent cependant de bonnes intentions et réussissent à chaque fois comme par magie à s’imposer en toute sobriété. Le meilleur exemple étant ici la séquence d’introduction particulièrement réussie tout comme l’était son film Mystic River, son œuvre la plus remarquable depuis dix ans.
Paris – Londres – San Francisco
L’action du film se déroule dans trois pays différents dont notre chère France sublimée par des images si parisiennes… et de France Télévision. C’est précisément dans ce paysage journalistique que le regard s’arrête un temps. Clint Eastwood a en effet osé l’inimaginable : faire une critique virulente de François Mitterrand ! Profitez-en car pareils propos sont peu coutumiers des films français. Peut-être est-ce aussi une des raisons pour laquelle la presse n’est pas, pour une fois, unanime avec Au-delà.
Cette partie française comporte effectivement quelques défauts : une prise de son inaudible et le choix de Thierry Neuvic en rédacteur en chef sorti tout droit d’une mauvaise série TV avec bien évidemment barbe de trois jours et air nonchalant so frenchy. On ne félicitera pas non plus le directeur de casting français dont on se demande où il a déniché les différentes speakerines françaises (à moins que cela soit voulu afin d’en souligner l’ironie, ce qui ferait écho au dernier film de Roman Polanski The Ghost Writer).
Quant à Cécile de France, on se demande si elle n’a pas été choisie pour son nom si national (bien qu’elle soit Belge) afin de mieux vendre le film à l’étranger. Elle réussit toutefois à tirer son épingle du jeu.
De son côté, la partie londonienne est grise comme la pluie et ressemble à un mix des œuvres de Ken Loach, Stephen Frears et Mike Leigh tandis que l’apparition de l’acteur Derek Jakobi est un gentil clin d’œil mais on se demande encore à quoi… Matt Damon inspire quant à lui de la compassion grâce sa justesse devant la caméra. Enfin, même si le cinéaste connaît déjà bien cette ville, il est dommage qu’il n’offre pas davantage de vues de la sublime baie de San Francisco.
En posant la question de savoir ce qui existe après la mort, Clint Easwood tombe dans le pathos mais ne déplaît pas entièrement. Le sujet est suffisamment universel et sincère pour que l’on adhère à sa cause.
Edouard Brane (www.cinedouard.com)
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