Kristin Scott Thomas – Interview
Kristin_Scott_Thomas::
Elle impressionne, Kristin Scott Thomas. La pellicule, bien sûr, avec sa beauté froide, son regard clair et pénétrant, ses rôles de caractère. Mais au naturel également, ses paroles étant rarement prononcées en l’air. Est-ce son bilinguisme, finement accentué, sa double culture oscillant comme souvent entre embarras et recul ? En interview, une distance à peine perceptible mais farouche, toujours, semble se tisser entre elle et ses interlocuteurs. Ni trop, ni trop peu. Une réserve assez juste, cela étant !
De fait, ça n’est sûrement pas un hasard si l’une des qualités d’Elle s’appelait Sarah, le film de Gilles Paquet-Brenner – en salle le 13 octobre – adapté du best-seller éponyme de Tatiana de Rosnay, c’est précisément la retenue de cette grande comédienne. Elle y incarne Julia, journaliste américaine, mariée à un Français, qui doit couvrir la commémoration de la rafle du Vél d’hiv’ à Paris : un premier rôle, évidemment. Mais, surtout, le personnage pivot d’une histoire complexe. Une histoire qui, sans elle, Kristin, ses interrogations, ses doutes, sa concentration, et son regard de vraie-fausse étrangère… pourrait assez facilement tomber dans le pathos. Bonne pioche, donc, que cette « Anglaise du continent » !
Connaissiez-vous le livre de Tatiana de Rosnay, avant que Gilles Paquet-Brenner ne vous sollicite pour jouer dans son film ?
Non, mais ma fille l’avait lu. Elle m’en a parlé avec beaucoup d’enthousiasme. Ma fille a fait son mémoire de maîtrise sur la Shoah, et je dois dire que, de mon côté, les histoires de survie m’ont toujours fascinée.
Est-ce cela qui vous a poussé à accepter ?
En fait, avant de rencontrer Gilles, j’avais lu son scénario, que j’avais trouvé extrêmement intéressant. J’aimais sa façon d’aborder, de front, la question du comment vivre avec le passé et continuer à avancer en même temps, comment être un être humain responsable, confronté à des histoires qui peuvent vous chahuter. Pour moi, ce qu’il y a de plus important, c’est le présent, maintenant. Mais pouvoir pardonner, pouvoir avancer, ça ne veut pas dire oublier… C’est pour cela que j’ai aimé que dans ce film, on parle de cette période du passé en la reliant à aujourd’hui.
Vous vous êtes documentée en amont sur cette période complexe, justement ?
Je me suis toujours intéressée à l’histoire. Et cette espèce de non-dit sur ces événements, en France, ça m’a toujours troublée. Je me sens concernée par le sort des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale. Mais je n’étais jamais allée au Mémorial de la Shoah, par exemple. Et je n’ai pas voulu m’y rendre avant le tournage. Je ne voulais pas apporter mes a priori à ce personnage, mais partir de zéro. En fait, j’ai voulu avancer à tâtons, comme le fait Julia dans le film…
Est-ce la raison pour laquelle vous avez opté pour une interprétation… sobre, concentrée ?
Pour moi, le piège, cela aurait été de s’apitoyer. D’ailleurs Sarah, dans l’histoire, en dépit de tout ce qu’elle a vécu, elle a quand même laissé des enfants derrière elle. Donc il ne fallait pas se laisser enfermer dans une émotion inutile, même si, à titre personnel, j’ai été émue par pas mal de choses. Et puis, il ne faut pas oublier qu’au départ, Julia est une journaliste qui mène une enquête. Ce n’est que quand elle s’embarque pour retrouver Sarah, qu’elle se retrouve affectée. D’autant plus qu’elle apprend qu’elle est enceinte, elle vit donc en même temps un énorme bouleversement physique. Forcément, elle est ébranlée ! Il fallait donc prendre garde à ne pas surjouer… Rester très concentrée…
Vous dites pourtant avoir été émue… En découvrant le film terminé, alors ?
Oui, j’ai même été bouleversée. En fait, ce que j’ai trouvé formidable, ce sont les allers-retours entre la partie située en 1942 et aujourd’hui. Je trouve que Gilles réussit ça très bien. Et puis le casting, vraiment remarquable, Aidan Quinn, Frédéric Pierrot… Peut-être, aussi, est-ce important de dire que le film est différent du livre. Il faut le regarder comme un cousin. Avec une force réelle, que je ne crois pas avoir mesurée, au fond, lorsque je le faisais.
Propos recueillis par Ariane Allard
Elle s’appelait Sarah
De Gilles Paquet-Brenner
Avec Kristin Scott-Thomas, Mélusine Mayance, Frédéric Pierrot, Michel Duchaussoy, Niels Arestrup, Dominique Frot, Aidan Quinn.
[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=GZ04V6_J9m4[/embedyt]
Sortie le 13 octobre 2010
Articles liés

“De la Fabrique à l’Atelier”: rétrospective sur les œuvres de Rafael Carneiro, à l’occasion de l’année France – Brésil 2025
L’exposition Rafael Carneiro, De la Fabrique à l’Atelier propose de retracer 20 ans de production du peintre Rafael Carneiro, une figure majeure de la scène artistique contemporaine brésilienne. À l’occasion de l’année du Brésil en France, l’exposition se tiendra...

“Banlieues chéries” une immersion artistique au cœur de l’histoire des banlieues
Portes d’entrée sur les grandes villes, les banlieues sont perçues à travers des prismes souvent réducteurs. Le terme lui-même recouvre une grande diversité de réalités fréquemment réduites à l’opposition entre des cités résidentielles dites paisibles et des grands ensembles...

“De l’Urbex au Post-Graffiti” : la première monographie de l’artiste Katre bientôt disponible aux éditions El Viso
Fruit de plus d’un an de travail, sélection des projets et des photos, réflexion autour du graphisme, échanges et entretiens, le livre “De l’Urbex au Post-Graffiti” revient sur 15 ans de pratique artistique d’Antonin Katre de 2010 à 2025,...