Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare – comédie de Lorene Scafaria
Premier film de l’actrice et scénariste Lorene Scafaria, Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare commence là où les films-catastrophes, genre particulièrement affectionné par le cinéma pop-corn hollywoodien, s’achèvent habituellement. Un astéroïde se dirige vers la Terre. Une équipe envoyée par la Nasa tente de l’arrêter avant que la collision ne soit fatale à l’humanité. Hélas, un incendie se déclenche à bord de la navette spatiale et la mission échoue. (Sans doute Bruce Willis n’était-il pas à bord, cette fois). Le monde est donc perdu. Et au moment-même où l’humanité apprend cette terrible nouvelle, Dodge Peterson voit sa femme s’enfuir loin de lui.
Mais alors qu’il s’apprête à vivre seul son dernier mois, il fait par hasard la connaissance d’une jeune voisine, qui désire par-dessus tout rejoindre sa famille avant de périr. Grâce à elle, il retrouve la trace d’un amour de jeunesse. Alors, en pleine émeute pré-apocalyptique, ils décident de faire le voyage ensemble vers leurs buts respectifs.
Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare est un film étrange et déconcertant. Tout d’abord parce qu’il prend le contrepied des apocalypses cinématographiques habituelles et des clichés qui les accompagnent : notamment parce que cette fois-ci, on apprend dès le départ que le monde ne sera pas sauvé. De ce même postulat, les frères Larrieu avaient tiré Les Derniers Jours du Monde, comédie dramatique loufoque et dynamique dans laquelle tout le monde semblait vouloir s’en prendre à la vertu de Mathieu Amalric, victime des instincts lubriques d’individus désinhibés par la proximité de la fin. Lorene Scafaria, elle, filme une apocalypse relativement paisible et plutôt joyeuse.
Le monde est certes condamné, mais cela n’empêche pas les personnages de vivre leur quête d’êtres aimés avec qui partager leurs derniers instants avec légèreté. Chacun tente de préserver ce qui a eu de l’importance dans sa vie, d’apprécier les bizarreries qui pimentent cette existence touchant à sa fin. Ainsi, prendre le temps d’écouter le son plein et chaud d’un vinyle apparaît comme un moment de grâce poétique. Une dégustation de hamburger-beignet dans un restaurant très convivial marque une escapade drôle et fantaisiste dans un road-movie insensé.
Puis, à mesure que les sentiments s’installent, le film change. Ce qui avait débuté comme une comédie sarcastique tourne à la romance et au drame. Comme s’il y avait plusieurs films dans ce film. C’est pourquoi Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare déconcerte. Car plus le scénario louvoie entre les genres, et plus son équilibre semble fragile. Fonctionnant fort bien sur le mode comique ; pas dépourvu de charme lorsqu’il laisse s’installer la romance ; il semble beaucoup plus abrupt et surtout beaucoup moins à l’aise lorsqu’il verse dans le mélodrame, voire plutôt incongru.
Toutefois, Lorene Scafaria s’en sort bien, principalement grâce au couple d’interprètes aussi touchant qu’inattendu formé par Keira Knightley et Steve Carell. Il est aussi sobre dans ce rôle qu’elle est pétillante, et tous deux s’harmonisent délicieusement à l’écran. En outre, la BO mêlant Beach Boys, Walker Brothers, Herb Alpert & The Tijuana Bass, constitue l’un des autres plaisirs non-négligeables que procure la vision de cette paisible fin du monde, et ce bien que la fin nous laisse un peu sur notre faim, justement.
Ainsi, pour dispensable que soit cette jolie romance, elle n’en offrira pas moins un agréable et rassérénant moment à tout spectateur en mal d’humanité et de tendresse cinématographique.
Raphaëlle Chargois
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Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare
De Lorene Scafaria
Avec Steve Carell (Dodge), Keira Knightley (Penny), Melanie Lynskey(Karen), Adam Brody (Owen), Gillian Jacobs (Katie), Connie Britton (Diane), Patton Oswalt (Roache) et Derek Luke (Speck)
Durée : 94 min.
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