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Interview Hideo Nakata (Monsterz)

31 mars 2014
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monsterz

Monsterz

De Hideo Nakata

Avec Tatsuya Fujiwara et Takayuki Yamada

Durée : 117 min.

Présenté au festival Deauville Asia le 6 mars 2014 (avant-première mondiale)

monsterz_290_191Le maître du film de fantôme japonais s’attaque aux super-héros et choisit la France pour présenter son film Monsterz en avant-première mondiale.

C’est incontestable : Hideo Nakata a changé la face du cinéma de genre. Avec Ring et la célèbre Sadako, le réalisateur a amorcé une mode qui a nourri en son temps le cinéma japonais puis américain. Aujourd’hui, après s’être essayé à l’industrie américaine en tournant la suite du remake (et non le remake de la suite) de son propre film, le cinéaste confirme son retour au Japon avec Monsterz, une revisitation du mythe du super héros à la sauce nippone. À l’occasion de l’avant-première mondiale de son nouveau film à Deauville, le cinéaste en profite pour nous confier ses analyses du film, ses peurs et ses projets.

Ce film est le remake d’un film coréen (Haunters), pourquoi avoir eu envie de l’adapter au Japon ?

Ce sont mes producteurs qui ont eu l’idée de faire ce remake, une idée que j’ai beaucoup aimée. Plus que faire un remake, il était intéressant d’adapter l’histoire dans la société japonaise. Il y a des similitudes entres les sociétés coréennes et japonaises. Le dialogue « je veux vivre jusqu’à ce que je meure » est, pour moi, lié au bouddhisme et aux enseignements de Confucius. Le personnage du monstre se pose des questions : « pourquoi je suis né ? », « pourquoi ma mère m’a-t-elle mis au monde ? » et, alors qu’il pourrait se suicider ou pousser les autres à le tuer, il est faible et attend que quelqu’un vienne l’arrêter. Ces problématiques me parlent, et je respecte énormément le matériau original ; mais, au final, j’ai apporté ma touche personnelle. Par exemple, à la fin du film original, il y a une scène très importante de cascade de voitures. J’ai pensé que c’était possible de la refaire au Japon en CGI, mais que comme je ne pouvais rivaliser avec Michael Bay, il valait mieux écrire des scènes différentes.

Vous avez mis l’accent sur l’aspect super-héros du film, pourquoi ?

Je suis convaincu que mes monstres ont beaucoup en commun avec les personnages de la série télévisée américaine Heroes ou encore avec les personnages de la série de films X-Men. J’ai eu envie de faire un film de super-héros parce que c’est excitant et amusant. Dans la société actuelle, les jeunes sont frustrés par la réalité et il n’est pas difficile d’imaginer que cet univers fantastique pourrait être le nôtre.

Pourquoi avoir choisi de mettre un personnage gay dans le film (qui n’existe pas dans le matériau original) ?

Quand nous avons commencé à travailler sur l’adaptation, nous avons gardé l’idée du personnage immigré en inventant un personnage indien. Mais très vite, on s’est rendu compte qu’il serait difficile de trouver un acteur indien qui parle parfaitement japonais tout en répondant à nos exigences de jeu. Ce n’est pas rare en Corée mais beaucoup plus exceptionnel au Japon. Le personnage gay n’est pas mon idée, je crois que c’est celle d’un scénariste. À la télévision, au Japon, dans des télé-réalités en particulier, il y a beaucoup de personnages gays. Au cinéma, contrairement à la télévision, on considère que c’est une chose sérieuse. Dans le cas de mon film, on peut penser que ce n’est pas représentatif de l’homosexualité mais que ce personnage apporte de la légèreté et du fun.

Pourquoi ne pas avoir fait votre film de super-héros à Hollywood ?

C’est une information top-secrète mais j’ai déjà été approché par Marvel pour travailler sur une de leurs franchises à succès. Malheureusement, cela ne s’est pas fait. Monsterz est d’ailleurs mon premier film d’action et je pense que c’est un genre trop compliqué pour moi. Je n’ai plus vraiment envie de m’y frotter.

Vous êtes un réalisateur de films d’horreur, quelle est votre plus grande peur en tant que personne ?

J’ai une peur bleue des animaux sauvages, y compris ceux qui ne sont pas carnivores. Parce que la communication est impossible et qu’ils sont capables d’attaquer n’importe qui à n’importe quel moment. Il y a des années de ça, aux Philippines, j’ai croisé un boa et je me suis juste mis à courir sans m’arrêter. Je suis arrivé dans un village de montagne, près d’une ferme. Je n’ai pas compris que les petits cochons qui venaient vers moi rentraient vers leur auge, et j’ai cru qu’ils m’attaquaient également… Enfin bref, n’importe quel animal sauvage me fait peur.

Mais vous n’utilisez pas cette peur dans vos films ?

Ils sont assez effrayants comme ça dans les films documentaires.

L’un des personnages est à la fois très puissant et très faible. C’est assez inhabituel…

Il a des superpouvoirs. Il sait que s’il continue à les utiliser, cela pourrait détruire son corps. C’est d’ailleurs la première raison de sa faiblesse. Mais il y a autre chose : il n’a pas l’ambition de conquérir le monde. Il aimerait abandonner ses superpouvoirs et pouvoir vivre une vie normale, mais il sait aussi que ça n’arrivera pas. C’est sa tragédie, sa malédiction.
Chez Marvel, les super-héros naissent d’un machisme bien américain, qui ne peut pas être bien compris au Japon. À part Spider-man, les super-héros Marvel n’ont pas tant de succès que ça chez nous. Les motivations de mon personnage sont plus compréhensibles par les japonais.

Le manga Akira a une grande place dans le film…

Je dois vous confesser que je n’ai jamais vraiment lu Akira, même si je connais l’histoire. Mais c’était pour moi le meilleur manga à utiliser dans le film. Sa mère lui en offre un volume et il ne le quittera plus.
Dans la version coréenne, ce n’était pas un manga mais une figurine. Je voulais quelque chose qui venait de l’enfance pour mon personnage…

L’autre personnage collectionne des cartes. Un peu otaku, non ?

L’acteur lui-même est un peu otaku.

Pas si cool, au Japon, d’être un otaku, si ?

Il y a des otakus cools. Mais ceux qui collectionnent des cartes, je ne suis pas sûr. L’autre fois j’étais avec un trentenaire dans le train, il avait l’air normal, et il sort soudain un album de cartes… C’est toujours étonnant. C’est un hobby très coûteux. D’ailleurs je ne comprends pas bien les règles de leurs jeux… D’ailleurs mon personnage a joué dans la série Densha Otoko, qui est pleine d’otakus.

Si on a choisi d’en faire un otaku, c’est aussi parce que cela fait venir du public. Les otakus sont le meilleur public pour nous, ils sont capables de venir voir le film 20 fois.

En plus votre acteur est nu, ce qui peut aussi faire venir les spectatrices…

C’est vrai. Vous savez, au Japon, il a publié un livre de photographies assez dénudées, ça n’était pas un problème pour lui de se dévêtir dans le film.

Et votre prochain film, alors ?

Un film d’horreur, basé sur une histoire originale, qui sera interprété par l’une des membres du groupe de J-pop, AKB 48, dont l’une des chanteuses Atsuko Maeda jouait déjà dans mon précédent film, The Complex. Je ne peux pas en dire plus.

Envie de revenir aux USA ?

Pour moi, c’est mieux de tourner au Japon, mais si des projets intéressants se présentent, je pourrais revenir à Hollywood. Mais là-bas, on ne fait que parler de chiffres, d’argent, et ça me dérange un peu. Au Japon, nous avons pourtant de plus petits budgets, et ça ne revient pas toujours sur le tapis…

Propos recueillis par Lucile Bellan

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A découvrir sur Artistik Rezo :
– les films à voir en 2014


[Image : 2014 © Twins Japan See]

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