Paolo Virzi et Micaela Ramazotti
Votre scénario présente beaucoup de similitudes avec votre vie personnelle. Bruno serait-il votre alter ego et Anna un peu votre mère ?
Paolo Virzi : Bien sûr, il y a beaucoup d’éléments autobiographiques dans ce film mais je le définis plus comme un mensonge avec plein de petites vérités. C’est une histoire qui se passe dans la ville où j’ai grandi et, comme le personnage principal, je ressens à son encontre autant de haine que d’amour. C’est l’enthousiasme des gens de cette ville et de cette génération qui me gêne, me fait honte. Et finalement, c’est l’amour primitif de cette mère pour ses enfants qui permet d’apprendre à l’accepter et profiter de la vie.
Est-il facile de concilier vie privée et vie professionnelle ?
Micaela Ramazotti : Pendant le tournage, nous nous sommes beaucoup disputés et nous avons beaucoup fait l’amour.
Paolo Virzi : Mon travail c’est un passion et un privilège. Je préfère donc m’entourer de gens qui me sont proches et Micaela est mon grand amour mais aussi une grande artiste.
M.R. : C’est un privilège de tourner avec Paolo parce qu’on est qu’on y gagne quasiment à coup sûr un prix d’interprétation. C’est un grand directeur d’acteur, un homme charismatique au regard hypnotisant. Il est capable de motiver les gens d’une manière particulière. Quand il arrive avec son grand sourire qui fait peur (Paolo Virzi nous fat une démonstration) il est impossible de dire non.
De quelle manière avez-vous travaillé votre interprétation d’Anna ?
M.R. : Ce n’est pas simple puisque j’avais peur d’avoir après moi Stéfania Sandrelli, cette si grande actrice. Je me suis donc comportée comme une étudiante, j’ai regardé ses films, encore et encore jusqu’à m’en imprégner. J’ai aussi du changer d’accent et puis imaginer ce que c’était d’être une femme dans le Livourne des années 70. Je l’ai imaginée joyeuse, frivole et qui se dandine un peu. ça a été un travail technique mais aussi un travail de cœur. Et puis Stéfania est une icône du cinéma italien, une très grande actrice depuis les années 60, c’est un mélange d’ironie et de séduction, de grâce et de poésie. J’ai beaucoup d’estime pour elle.
Certains détracteurs ont qualifié La prima cosa bella de machiste. Quelle est votre vision des femmes personnelle et à travers le film ?
P.V. : Le film présente une galerie de portraits d’hommes horribles, traîtres et immatures. Pour moi, c’est un hymne à la femme, à la grande qualité que possèdent toutes les femmes : la frivolité. Car on a tendance à croire que pour s’émanciper, la femme doit se masculiniser. C’est faux et la force subversive des femmes est leur grâce. C’est une force caractéristique qui fait peur aux petits bourgeois. Dans mon pays, il devrait y avoir une femme au pouvoir qui ressemble vraiment à une femme. Car on opoose actuellement deux visions de la femme : celles des soirées de Berlusconi, glamour et plantureuses à l’image d’une femme laborieuse. Ces deux visions sont machistes toutes les deux car issues d’un regard masculin. J’admire les femmes pour leurs véritables forces : la beauté et le mystère.
M.R. : Dans le film, Anna est frivole mais on peut dire aussi qu’elle est un peu sotte. Elle a des passions simples, fumer, lire des magazines, manger de la barbe à papa, qui peuvent faire penser à de superficialité mais qui sont en fait son humanité. Et finalement sa vitalité déteint sur tous.
Anna est-elle un personnage fédérateur ou destructeur pour sa famille ?
P.V. : Ce n’est pas du tout un personnage destructeur. Anna ne détruit rien, elle est victime de malentendus et de violence. Elle lutte pour défendre ses enfants. C’est finalement un film sur l’amour de créatures fragiles qui peuvent se faire du mal sans le vouloir.
M.R. : Anna est une victime et malgré ça, elle fait confiance à la vie et aux autres. Pourtant elle se fait toujours chasser. Et si on y réfléchit, une seule figure masculine est toujours présente à ses cotés, son voisin.
Selon La prima cosa bella, la vie est un joyeux bordel (l’expression réjouit le réalisateur qui la répète plusieurs fois en français). Laquelle des trois visions de la vie, celle de Bruno le dépressif, celle de Valéria plus en retrait ou celle d’Anna, ressemble le plus à la vôtre ?
P.V. : Si vous regardez bien mon film, les personnages vous réserverons des surprises à la fin. Et même si je pense que c’est un joyeux bordel, je ne pense pas qu’un ménage soit possible. Les êtres humains sont faillibles et sur terre, le paradis n’existe pas.
Pendant, les réponses de Micaela Ramazotti, le réalisateur tapote sur son Ipad, le montre à la comédienne et le tourne enfin vers nous. Voici, ci-contre, ce qu’il nous a présenté l’air fier et malicicieux, les portraits de ses trois intervieweuses de choc et de la traductrice.
Lucile Bellan (Twitter)
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