Indian Palace – film de John Madden
Sept retraités britanniques, découragés à l’idée de passer leurs vieux jours dans la grisaille anglaise, décident d’aller vivre en Inde, à Jaipur, au Marigold Hotel. Le lieu, bien loin du palais de rêve promis par les brochures, va pourtant modifier à jamais leurs existences.
Ils sont tous là dans cette salle d’attente d’un aéroport, s’apprêtant à effectuer ce qui sera sans doute le voyage de leur vie. Une veuve poussée par son fils à céder l’appartement familial, un couple ayant liquidé ses dernières économies pour aider leur fille à monter son affaire, un vieux juge ayant remballé sa toge avec nostalgie, une femme dans la force de l’âge n’aspirant qu’à séduire à nouveau, un fringant vieillard ne rêvant que de retrouver sa vigueur dans les douces étreintes féminines, et enfin, une vieille demoiselle, revêche, clouée sur un fauteuil roulant en attente d’une opération de la hanche.
Avec un humour très british, pince-sans-rire, le réalisateur dépeint les conséquences plus ou moins heureuses de l’allongement de la durée de vie. C’est la solitude suite au décès du conjoint, le fossé grandissant entre les générations qui rend les enfants impatients de déloger les « vieux » de leur logement, ou encore le dénuement face à la maladie, et au coût des soins, faute d’une retraite suffisante. A l’instar de la France où certains retraités se délocalisent vers les cieux marocains plus cléments en pouvoir d’achat et en nombre de jours ensoleillés à l’année, ces retraités anglais vont se voir proposer de passer leurs vieux jours dans ce qui fut un des fleurons de l’empire britannique : l’Inde.
Ces septuagénaires acceptent donc de tenter ce dernier coup de poker. Pas de clichés ni de cartes postales édulcorés dans le supposé eldorado indien : John Madden embarque son petit monde dans la foule bariolée, avec son chaos, ses bruits, ses odeurs et ses couleurs. Et les pensionnaires nouvellement arrivés de découvrir qu’ils devront composer avec le Marigold Hotel qui s’avère n’être qu’un palais délabré – pas de portes dans certaines chambres ni de robinets – , tenu par Sony, un jeune indien, roublard et idéaliste, joué par Dev Patel (star de Slumdog Millionnaire).
Le séjour indien révèlera chaque personnage à lui-même et l’amènera à céder ses défenses. Narré par la voix-off de la grande Judy Dench, la force du film réside dans la symbiose et l’énergie d’une distribution composée de figures incontournables du septième art britannique, comme Maggie Smith, Tom Wilkinson ou Bill Nighy. Et chaque plan du film permet au réalisateur de poser un regard tendre et gentiment moqueur sur ces êtres plus très jeunes, un peu désemparés mais surtout très désireux d’adoucir le temps qui leur reste.
Oscillant sans cesse entre gravité et légèreté, Indian Palace a le mérite d’éviter le piège de la comédie sur un énième choc des cultures, même si John Madden distille ici et là les stéréotypes (la conduite suicidaire des chauffeurs en Inde, le goût immodéré pour les épices dans la cuisine locale ou bien le sourire imperturbable des indiens malgré la misère ambiante). Le film ne constitue pas non plus une digression sur le fameux Syndrome Indien qui aurait pu frapper ces occidentaux dont la plupart découvrent l’Inde pour la première fois. Est privilégié ici le récit de quêtes individuelles, de tous les points de vue, y compris ceux des personnages indiens. La mise en scène n’épargne effectivement pas la peinture sociologique de l’Inde : celle d’un pays où les traditions pèsent dans les relations entre les êtres, où la modernité des buildings abritant les centres d’appels contraste avec la misère des bidonvilles, lieux de vie des dalits (la caste des intouchables).
A l’image du Marigold Hotel, vieux palais tombant en ruines mais n’attendant que le nouveau souffle qui lui rendra sa splendeur passée, ces septuagénaires sont avant tout en quête de l’aubaine qui ravivera la flamme. L’Inde va leur permettre de faire ce pied de nez au sort, avec l’insolence de ceux qui n’ont plus rien à prouver. Et le film devient alors la parfaite démonstration de ce qu’en définitive, il n’est jamais trop tard.
Roxane Ghislaine Pierre
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BAFTA 2013 (10 février)
- Nomination : Meilleur film britannique de l’année
Golden Globes 2013 (13 janvier)
- Nominations : Meilleure comédie ou comédie musicale et Meilleure actrice dans une comédie ou une comédie musicale
Screen Actors Guild Awards 2013 (27 janvier)
- 2 nominations : Meilleur acteur dans un second rôle et Meilleure distribution
Indian Palace
De John Madden
Avec Judi Dench ( Evelyne Greenslade), Maggie Smith (Muriel Donnelly), Bill Nighy (Douglas Ainslie), Tom Wilkinson (Graham Dashood), Celia Imrie (Madge Hardcastle), Ronald Pickup (Norman Cousins), Dev Patel (Sony Kapoor), Tena Desae (Sunaina), Lilete Dubei (Mrs.Kapoor)
Durée : 125 min.
Sortie le 9 mai 2012
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