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“In the mood for love” : pourquoi voir ou revoir ce chef-d’œuvre ?

Manon Giroux 4 février 2022
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Dans le long métrage In the mood for love, Wong Kar-Wai nous conte une histoire de vie simple. Deux couples s’installent simultanément dans deux appartements voisins. Peu de temps après cet emménagement, Chow Mo-Wan et Chan Li-Zhen apprennent que leurs époux respectifs entretiennent une liaison. Ils n’ont aucune idée de la manière par laquelle celle-ci a commencé. Du choc que cause cette découverte, naît une relation forte entre ces deux personnes blessées par l’amour et désespérées par la vie.

Une poésie sur la vie

Je qualifierai In the mood for love de poétique. Par son génie, Wong Kar-Wai sublime les plus simples banalités de la vie. Comment un film peut-il se révéler si sensationnel avec aussi peu d’images ou de paroles explicites ? À mon sens, c’est par l’harmonisation de tous les éléments constitutifs de ce film que les émotions des protagonistes viennent à nous de manière absolue puis nous enivrent. La photographie et sa couleur, le montage, le silence, la bande originale mélancolique qui représente à elle-même un chef d’œuvre, le cadrage, la grâce des personnages et les décors sont les éléments à l’origine de cette beauté. Les sensations de tristesse et de souffrance s’affichent à l’écran avec grande pudeur, mais ne laissent pas au spectateur la possibilité d’en douter. Peut-être grâce à la musique, aux regards échangés ou encore au temps pluvieux. Pour quelle raison une simple expérience comme celle de se lever pour aller chercher des nouilles devient à la fois sensuelle et obsédante ? Parce que dans ce film, aucun détail n’est laissé au hasard. Tous les éléments se mêlent à merveille entre eux : la musique, la fluidité des mouvements de la caméra, les coloris rosés, puis verts, la lenteur du rythme qui jamais ne nous laisse sombrer dans l’ennui. Les mots ne sauraient suffire à décrire les sensations que cette œuvre nous offre. C’est cela qui rend ce récit poétique.

L’amour sous un nouveau jour

Les thèmes évoqués, le sont avec subtilité. On a rarement l’habitude au cinéma, du moins rarement à ma connaissance, d’aborder l’amour et le désir avec une vision aussi pragmatique. Habituellement, on idéalise et sublime ces deux derniers. Wong Kar-Wai, nous présente l’amour pessimiste, désespéré et impossible qui règne sous le silence. Un amour qui naît du désespoir de deux personnages rapprochés par la tromperie de ceux qui avait fait la promesse de partager leurs vies. Un amour impossible, en effet les protagonistes ne veulent devenir le reflet de ceux qui les ont trompés. Ils ne veulent pas non plus s’aventurer dans l’immoralité et la confrontation des bonnes mœurs. Un amour qui est et restera silencieux et qui se montrera à l’écran grâce à l’harmonie de l’œuvre. Les doigts qui s’effleurent, les paupières qui se baissent en laissant penser le regard, les mains qui ne se touchent qu’à peine, nous suffisent à comprendre la puissance de ce que les protagonistes expérimentent, même si la relation est platonique.

Une œuvre lourde de sens

La figure à la fois particulière et centrale de la répétition à tous les niveaux (plans, musiques, décors…) dans In the mood for love est la métaphore du sentiment amoureux. Les prises de vue qui en effet se répètent, mais dans lesquelles certains éléments changent, sont porteuses de sens. On pense globalement à l’amour unique et exceptionnel. La répétition, elle, nous laisse penser à quelque chose de commun et de plat. Alors pourquoi se mêlent ces deux éléments ? “C’est que tout le paradoxe de l’amour est d’être ce qui se vit comme pure différence mais qui n’existe que dans la répétition”. Le grand philosophe danois Kierkegaard, parlera d’ailleurs longuement dans son œuvre de la répétition et de son lien avec la passion.

Le désir, commun à tous les mortels

Le désir, un des thèmes de l’œuvre intimement lié à l’amour, est un élément que je voulais traiter de manière à part entière. In the mood for love aussi intitulé Les silences du désir au Québec, nous laisse désirer à la place des personnages principaux qui désirent, eux, silencieusement. Wong Kar-Wai, nous laisse désirer ce que les protagonistes n’osent entreprendre : l’amour. On désire que leur relation s’intensifie, on espère que naîtra un amour nouveau, pour enfin laisser de côté le malheur commun qu’ils ont vécu. Silencieusement, les protagonistes désirent, parce qu’ils ne le sont plus. Ils souhaitent comprendre l’origine de cette trahison. Ce sera finalement aux travers des “deux autres” qu’ils se désireront.

In fine

Ce film m’a profondément touchée, par la simplicité de son histoire, ses thématiques, la beauté de la photographie, la qualité de sa mise en scène… Une quelconque histoire qui, par, sa représentation élégante devient un chef-d’œuvre à part entière. Ce fut un plaisir de suivre le destin de ces deux protagonistes, touchants, et magnifiquement interprétés par Maggie Cheung et Tony Leung, dans ce poème envoûtant. J’ai été fascinée par tout ce que pouvait révéler l’analyse filmique. À  mon sens, tous les éléments constituants ce film forment une parfaite harmonie. J’aime cette sensation que crée le cadrage. Il donne cette impression d’être partie intégrante de l’histoire. Le réalisateur, par l’image, nous transmet la souffrance, l’emprisonnement dans les mœurs et la frustration des protagonistes. Wong Kar-Wai sait faire rêver, désirer. Surtout, il laisse au spectateur la possibilité d’imaginer.

Manon Giroux

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