Guy-Roger Duvert : « J’aurais aimé être révolutionnaire. »
Guy-Roger Duvert : « J’aurais aimé être révolutionnaire. » |
Virtual Revolution – sorti en octobre dernier – reçoit encore aujourd’hui de nombreuses récompenses et autant de nominations dans des festivals du monde entier, car il est plébiscité pour son scénario, ses effets spéciaux, son design sonore, etc. Rencontre avec son réalisateur Guy-Roger Duvert, porteur d’une french touch et auteur d’une success story. C’est assez rare de rencontrer un compositeur qui devienne producteur, réalisateur et scénariste : comment en êtes-vous arrivé là ? J’aurais aimé être révolutionnaire sur le fait de réaliser et composer en même temps, mais en toute honnêteté, il y a des exemples célèbres avant moi d’artistes multi-casquettes (John Carpenter, Clint Eastwood…). En ce qui me concerne, j’ai commencé comme compositeur de musiques de films en 2002. Dès 2003, j’ai réalisé la bande originale du long métrage Les Yeux Secs, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, dans le cadre du Festival de Cannes. J’ai travaillé sur des projets variés (documentaires, institutionnels, jeux vidéo, théâtre, comédies musicales…). Puis en 2010, j’ai commencé à lorgner du côté de Los Angeles, après avoir été contacté par Disney et ai ajouté la composition de musiques de trailer à mes activités (Transformers 3, Prometheus, Lone Soldier…). J’ai fait un premier court métrage (Costa Roja) en 2006, qui m’a ouvert certaines portes dans le corporate. Ensuite, j’ai réalisé mon second court métrage (Cassandra) en 2013, qui a obtenu 105 sélections en festivals et 58 prix. Puis, l’année dernière, j’ai réalisé mon premier long métrage, Virtual Revolution. Avez-vous toujours eu pour ambition d’écrire et réaliser vos propres films ? J’ai commencé à vouloir réaliser vers 2004. Pas avant. Donc je ne peux pas dire que j’ai toujours rêvé de faire ça. Mais maintenant, « ça me tient bien au corps » ! Est-il envisageable pour vous de réaliser un film sans en avoir écrit le scénario ? Oui, si le scénario est bon et que visuellement l’univers m’excite. Je ne suis pas à la recherche de scénarios, car j’ai déjà pas mal d’idées en tête, mais si on me propose un projet clé en main et que je le trouve fascinant, je n’ai absolument rien contre l’idée d’en réaliser un qui ne soit pas de moi. Vos oreilles crissent-elles quand on parle de film d’auteur pour définir Virtual Revolution ? Selon la définition normale : est film d’auteur celui qui a une patte lui permettant de se distinguer des autres et qui fait qu’on finit par y reconnaître l’univers de son créateur, son style. Donc, oui, je fais du cinéma d’auteur car, si j’ai des influences claires, je pense avoir un style qui m’est propre. Par ailleurs, Virtual Revolution a un sujet clairement politique. Or, en France, beaucoup considèrent, hélas aussi, le film d’auteur comme pauvre visuellement, sans ambition et sans rythme. Dans ce cas-là, je ne pense pas entrer dans cette catégorie et je m’en porte très bien ! Le choix de réaliser un film « français » avec un casting international était-il dans le but d’ouvrir le monde cinématographique aux créations françaises ? Ou de manière plus personnelle, d’imposer votre label dans le marché international du cinéma ? Faire un film en anglais, ça veut dire s’adresser au monde et pas seulement aux pays francophones. Lorsqu’on fait un film, on a envie qu’il soit vu le plus largement possible. Par ailleurs, je vis à Los Angeles. L’anglais est une langue naturelle pour moi. Enfin, l’acting en anglais est souvent plus intéressant. J’aurais tendance à privilégier le français dans des cas précis (par exemple un film se déroulant au 18e siècle). Sinon, il est probable que la quasi totalité des projets que je produirai seront en anglais. Quelles sont vos sources d’inspiration ? Des réalisateurs comme Ridley Scott, Christopher Nolan, par exemple. Des auteurs comme K. Dick, Asimov, ou encore Masamune Shirow. Des jeux vidéos variés (à monde ouvert et trame dramatique poussée), comme Deus Ex, The Witcher, Assassin’s Creed…). Et côté peinture, toute la période entre le néo-classicisme et le romantisme (Le Lorrain, Friedrich, la période pré-impressionniste de Turner…). Virtual Revolution est typiquement le genre d’œuvre que l’on peut qualifier de « transmédia » (puisqu’il y a un lien indéniable entre le cinéma et le jeu vidéo). Pensez-vous que le cinéma, tel que nous le connaissons, va être transformé par ces phénomènes d’hybridation ? Pas autant qu’on le dit. Le cinéma est un moyen pour raconter des histoires. Qu’on sorte en même temps un jeu vidéo, un bouquin, ou quoi que ce soit d’autres, ne change pas intrinsèquement la définition de ce qu’est un film. Donc pour moi, les codes du cinéma ne sont pas amenés à changer fondamentalement. En revanche, le 7ème art va se retrouver fortement concurrencé par d’autres modes de narration, comme le jeu vidéo, par exemple. Considérez-vous votre film comme un constat sombre de l’avenir qui nous est réservé ? Ou bien un refuge pour tous ceux qui se perdent dans une société qui évolue trop vite ? Les deux. En fait le film est très sincère dans le sens ou moi-même je m’interroge sur cette question. L’évasion d’une bonne partie de la population dans le virtuel me paraît, à terme, comme une certitude. Mais juger son impact, cela me semble plus compliqué. Cela m’apparaît à la fois comme la pire et la meilleure des inventions humaines. Donc ce sont ces questions-là que je soulève dans le film. Dans Virtual Revolution, vous traitez plusieurs thèmes : fuite de la réalité, relation virtuel / réalité. Avez-vous quelques idées de sujets que vous aimeriez traiter dans vos prochains films ? Plein. À court terme, on réfléchit déjà sérieusement à monter une série TV dans le même univers, car il y a des choses qu’on n’a pas pu raconter dans le film. Ensuite, pour les longs métrages, j’ai beaucoup d’idées et même des scénarios déjà écrits. Reste à voir dans quel ordre ça se fera (ou pas) : du médiéval fantastique, à nouveau de la science-fiction, un film de pirates, etc. On verra bien ! Mathilde Cannarella Bande annonce [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=uk_jMDn7A3o[/embedyt] [Photos © Guy-Roger Duvert]
À découvrir sur Artistik Rezo : Guy-Roger Duvert, de Charlotte Bouvier
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