Gainsbourg (vie héroïque) – Joann Sfar
Dès le départ, Joann Sfar assume un parti pris : il racontera l’histoire de Lucien Ginsburg, mais à sa façon. L’ambition n’est pas de dire la réalité de la vie du chanteur compositeur, mais bien l’interprétation qu’en fait Joann Sfar. Et le réalisateur de signer une oeuvre personnelle, marquée de son empreinte.
Esthétiquement, le film est un bijou. Sfar a le sens du plan, du décalage visuel. Des plans très rapprochés, avec peu de personnages. Une photographie magnifique, avec des tons de jaunes et de marron qui donnent un aspect légèrement suranné à la pellicule, comme pour mieux plonger le spectateur dans ces années rétro.
On pourrait s’attarder sur de nombreuses scènes du film, travaillées comme des bulles de bande dessinée, où chaque plan est réfléchi pour créer une séquence qui devient elle-même un petit court-métrage. La scène entre Gainsbourg et Gréco est remarquable de ce point de vue : le chat noir qui prélude à la scène, le verre cassé par Gainsbourg, la longue robe noire de Gréco alors qu’elle apparaît, pieds nus, le tout dans un décor tout en bois, noir et rouge, qui forme comme un écrin où peut être magnifié le jeu des acteurs.
Très bonne intuition, puisque les acteurs sont tous excellents. Eric Elmosnino réalise là un véritable tour de force. Il se coule si parfaitement dans la peau de Gainsbourg que l’illusion est parfaite. Son visage, son phrasé, sa gestuelle composent un personnage dont on ne sait plus très bien s’il appartient au monde de la réalité ou de la fiction. Accompagné de son double maléfique, dessiné par Joann Sfar – brillante manière de représenter Gainsbarre, il crée l’enchantement pour un spectateur persuadé de se trouver en présence du chanteur.
Entouré de Brigitte Bardot (Laetitia Casta), de Jane Birkin (Lucy Gordon), de Boris Vian (amusante apparition de Philippe Catherine), des frères Jacques ou encore de Georges Brassens (apparition en forme de clin d’oeil de Sfar lui-même), Gainsbourg est le héros de ce conte, et non le sujet d’une biographie. Et c’est ce qui rend ce film différent de tous les biopics qui ont pu fleurir sur nos écran récemment.
Gainsbourg (vie héroïque) est donc une oeuvre très personnelle, ce qui ne l’empêchera pas de parler à tous les amoureux de Gainsbourg et du travail de Joann Sfar. De l’enfance à la déchéance, Joann Sfar suit son personnage dans les moments décisifs de sa vie – qui ne sont pas forcément ceux que le public a retenus. Un très beau moment de rêve et de cinéma.
Audrey Chaix
Gainsbourg (vie héroïque)
Un film de Joann Sfar
Avec Eric Elmosnino, Lucy Gordon et Laetitia Casta.
Distribué par Universal Pictures International France
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